Plein-emploi, Européennes, JO… Les 12 travaux du Premier ministre Gabriel Attal

Le nouvel hôte de Matignon, le plus jeune de l’histoire de la Ve République, prend ses nouveaux habits dans un moment charnière pour la majorité.

Gabriel Attal à son arrivée dans la cour de Matignon ce mardi 9 janvier. Il a été nommé Premier ministre quelques minutes plus tôt.  LP/Olivier Corsan
Gabriel Attal à son arrivée dans la cour de Matignon ce mardi 9 janvier. Il a été nommé Premier ministre quelques minutes plus tôt. LP/Olivier Corsan

    Gabriel Attal pouvait-il seulement imaginer, en rejoignant La République en Marche en 2016, qu’il ne lui faudrait que huit ans pour devenir l’un des plus hauts personnages de l’État ? Et, qui plus est, le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Ve République ? Élisabeth Borne se devait de rester en poste suffisamment longtemps pour battre le record de longévité d’Édith Cresson. Son successeur vient d’en battre un sur sa seule nomination.

    En prenant la tête du gouvernement, Gabriel Attal, 34 ans, franchit une nouvelle étape dans sa carrière fulgurante. Mais c’est bien connu, Matignon essore les corps et les esprits et la tâche du Premier ministre s’annonce des plus ardues.

    VIDEO. Gabriel Attal nommé Premier ministre à 34 ans

    Si Emmanuel Macron a fait appel à un profil aussi politique, c’est que les défis s’annoncent immenses, alors que la majorité se montre affaiblie et que l’échéance européenne à venir, « aux airs de midterms », n’est pas très bien engagée.

    1. Former un gouvernement

    Ce travail, bien évidemment, se mènera conjointement avec le président de la République. Il s’agira dans un premier temps de définir les champs d’action des différents ministères. Faut-il restreindre le nombre de ministres ? Ce vœu si souvent formulé mais si rarement respecté.

    Ensuite, il faut s’entendre sur les noms. Qui faire entrer au gouvernement ? Qui sortir ? Parmi les sujets les plus sensibles, le cas des ministres qui s’étaient réunis au soir du vote du projet de loi immigration, exprimant ainsi un profond malaise sur le texte au sein même de l’exécutif. Le sort réservé à Clément Beaune (Transports), Patrice Vergriete (Logement) ou Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur) sera scruté de près.

    2. Souder les macronistes

    Les macronistes ont souffert des débats sur le projet de loi Immigration, boudé par 59 députés de la majorité. Une première. Le Premier ministre devra se montrer capable de ressouder les rangs, entre une aile gauche qui attend des preuves d’amour et une aile droite bien plus structurée et déterminée à peser.

    « Il y a des tensions mais la majorité n’est pas disloquée, rassure le député de Moselle Ludovic Mendès, plutôt classé à gauche. C’est quelqu’un qui est plutôt apprécié. Nous le soutiendrons, il ne sera pas seul. » Un autre se montre moins optimiste : « Ce sera difficile parce qu’il ne sera pas maître de tout. Le président est en fin de mandat et ne se représentera pas. Plus l’échéance présidentielle approchera, plus les ambitions vont se révéler. »

    3. Affirmer son autorité

    Du haut de ses 34 ans, Gabriel Attal devra s’affirmer comme LE chef de la majorité et soigner les sensibilités au sein du groupe. « Il y a six mois, Bruno Le Maire avait un ministre délégué qui s’appelait Attal, rappelle un influent parlementaire. Aujourd’hui c’est son patron. Certaines piqûres d’humilité peuvent faire très mal. »

    L’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine, qui l’a fait entrer dans le grand bain des cabinets ministériels sous la présidence de François Hollande, et dont il est resté très proche, ne s’inquiète pas une seconde. « Il a beaucoup d’autorité, comprend la chose politique. Il saura parfaitement nouer ou renouer des liens lorsque cela sera nécessaire », confie-t-elle.

    4. Passer le cap des européennes

    Jamais Emmanuel Macron ne s’était tourné vers un profil aussi politique. Édouard Philippe n’avait pas encore acquis cette stature de pilier de la majorité lorsqu’il a été nommé à Matignon. « Cela traduit une forme de paradoxe, relève Bruno Cautrès, politologue au Cevipof. C’est comme si, après même pas deux ans, le président avait besoin d’être appuyé par la popularité de l’ancien ministre de l’Éducation nationale. »



    Alors que le RN surclasse la majorité dans les sondages et que sa tête de liste Jordan Bardella est le seul responsable politique présent dans le classement des 50 personnalités préférées des Français, Gabriel Attal pourrait « aider la majorité à sortir de l’ornière, poursuit le politologue. On imagine mal ce nouveau Premier ministre ne pas se mêler du tout de la campagne des européennes. Il peut même en être le véritable animateur, même si le profil du président fait que lui aussi s’investira. »

    5. S’imposer dans le chaudron de l’Assemblée

    Le nouveau Premier ministre sera très attendu à l'Assemblée nationale, particulièrement volcanique depuis juin 2022.
    Le nouveau Premier ministre sera très attendu à l'Assemblée nationale, particulièrement volcanique depuis juin 2022. LP/Olivier Corsan

    Pas facile, en ces temps de majorité relative, de se faire entendre dans l’Hémicycle. De répondre aux invectives, nombreuses, venues des rangs des oppositions. De monter au pupitre pour engager la responsabilité du gouvernement. Ou encore d’affronter les séances des questions au gouvernement.

    « Il a pour lui la jeunesse, le tempérament et la capacité de rassembler », rassure le député Renaissance et ancien ministre Stéphane Travert. « Aux oppositions, je dis que nous ne serons pas d’accord sur tout mais je leur fais la promesse de toujours les écouter, toujours les respecter », assurait, mardi, Gabriel Attal.

    Mais certains à l’Assemblée nationale s’interrogent toutefois sur sa personnalité, cette forme de solitude qui transparaît parfois. « Il est sympathique mais à l’Assemblée, souvent, il se retrouve un peu seul, raconte un député Renaissance. On ne sait pas vraiment qui le soutient et il ne semble pas forcément chercher des appuis. Cela revient souvent dans nos discussions entre collègues. Il est globalement bien vu, mais certains se méfient ou lui en veulent beaucoup. Il n’a pas hésité parfois à cracher sur le dos de députés. »

    6. Gagner le pari du plein-emploi

    L’exécutif est lancé dans la difficile bataille du plein-emploi mais le contexte macroéconomique, bousculé par l’inflation et l’actualité internationale, ne lui facilite pas la tâche. Lors de la passation de pouvoir, mardi à Matignon, Gabriel Attal n’a pas oublié le volet économique. Le patron des députés Horizons, Laurent Marcangeli, a d’ailleurs apprécié que le nouveau chef du gouvernement insiste autant sur les classes moyennes, « ces femmes, ces hommes et ces familles qui se lèvent tous les matins pour aller travailler », et « qui financent nos services publics ».

    Un très bon point, salue le député : « Pour nous, c’est déterminant. Il faut parler à ces Français qui se sentent oubliés de nos politiques publiques. On a aidé les plus précaires, on a soutenu les entreprises, on a pu faire des gestes pour les plus aisés. Il est temps de nous consacrer aux classes moyennes. Nous serons vigilants sur cette question. »

    7. Garder le fil avec l’Éducation nationale

    Cinq petits mois (et vingt jours) et puis s’en va. Arrivé plein d’ambitions rue de Grenelle, Gabriel Attal a quitté précipitamment ses fonctions de ministre de l’Éducation nationale. Un départ anticipé qui pourrait quelque peu braquer les syndicats d’enseignants et qui va braquer les projecteurs sur l’action de son gouvernement en la matière. « Quelles que soient les évolutions à venir (…) je serai toujours à vos côtés », promettait-il ce mardi en visio avec le personnel de l’Éducation nationale, juste avant d’être officiellement nommé.

    VIDÉO. Nommé Premier ministre, Gabriel Attal assure qu’il restera « toujours » aux côtés du monde enseignant

    Lors de la passation de pouvoir, le nouveau Premier ministre en a remis une couche. « J’emmène avec moi la cause de l’école, qui doit être la mère des batailles, a-t-il promis. Elle sera l’une de mes priorités absolue à la tête de mon gouvernement. Il y aura une forme de continuité. »



    Cet engagement nécessitera un éclaircissement, selon Bruno Cautrès. « Une fois que c’est dit de manière aussi forte, tout le monde l’attendra sur cette question. Mais Macron nous avait dit que rien n’était plus important que la transition énergétique. Il faudra définir les priorités. »

    8. Assurer l’avenir de nos politiques de santé

    Le financement du modèle social français est l’un des sujets politiques les plus brûlants pour l’exécutif. La France perd des médecins généralistes, les hôpitaux sont saturés et l’accès aux soins devient par endroits de plus en plus difficile. Le parcours de Gabriel Attal pourrait le servir, lui qui a travaillé au cabinet de Marisol Touraine.

    Lors de son discours ce mardi dans la cour de Matignon, le nouveau Premier ministre a ainsi insisté sur la nécessité de renforcer les services publics. Il a cité en premier lieu l’éducation nationale. Suivi du service public « de la santé et de l’hôpital ».

    9. Gérer les suites de la loi Immigration

    Si la loi a été votée par une majorité de députés, le dossier n’est pas clos pour autant. D’abord parce que le Conseil constitutionnel rendra le 25 janvier prochain sa décision sur ce texte. Ensuite parce que la gauche appelle déjà à manifester les 14 et 21 janvier. La gronde prendra-t-elle ?

    Gabriel Attal décidera-t-il aussi de relancer le débat sur l’Aide médicale d’État, comme Élisabeth Borne s’y était engagée auprès des LR et auprès de Gérard Larcher dans un courrier écrit ? L’opposition l’attend de pied ferme. L’aile gauche de la majorité ne veut plus en entendre parler.

    10. Réussir les Jeux olympiques

    Cet été, la France sera le centre du monde. Paris accueille les Jeux olympiques et le gouvernement va devoir assurer le bon déroulé des événements. Le défi sécuritaire sera immense. Notamment pour la cérémonie d’ouverture. La question des transports, qui suscitent d’importantes frictions entre les services de l’État et les collectivités en charge du dossier, sera aussi au cœur des préoccupations de l’exécutif.

    11. Retisser le lien avec les Français

    Assurément un des principaux chantiers du nouveau Premier ministre, alors que depuis des années les Français semblent se détourner de leur classe politique. « La société est fracturée, il faut rassembler les Français », réclame Stéphane Travert. Mais Bruno Cautrès n’est pas des plus optimistes sur la capacité d’un Premier ministre à insuffler une telle dynamique.

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    « Même la réélection d’Emmanuel Macron, autrement plus forte politiquement, n’a pas apporté ce déclic », relève-t-il. « La différence est grande entre le temps de la communication et le temps nécessaire pour rendre visible l’action publique. Pour le Premier ministre, tout l’enjeu sera de ne pas laisser transparaître un écart trop conséquent entre ces deux temporalités. »

    12. Définir le « Attalisme »

    À 34 ans, Gabriel Attal est-il suffisamment mûr politiquement pour diriger le gouvernement, comme s’interrogent des poids lourds de la majorité à l’instar de François Bayrou ? Quelle est sa « colonne vertébrale », comme certains se le demandent ? Gabriel Attal s’apprête à se définir politiquement devant les Français.

    « C’est un excellent communicant mais on ne sait pas qui il est », relève un député Renaissance. D’autres se veulent bien moins sévères. « On s’arrête sur l’âge mais il est au gouvernement depuis cinq ans, rappelle le député Renaissance du Bas-Rhin Charles Sitzenstuhl. Attal incarne le macronisme, la volonté de donner de l’oxygène aux entreprises, tout en affirmant une autorité. Il allie justement l’autorité et la bienveillance. »