Stupéfaction à Paris et Bruxelles après les critiques de Barnier contre la justice européenne

En campagne pour la primaire à droite, l’ex commissaire européen a appelé à renforcer la « souveraineté juridique » de la France, menacée selon lui par les instances judicaires européennes. Celles là même qu’il défendait lorsqu’il négociait le Brexit.

« Comment une telle phrase peut-elle avoir été prononcée par un Européen aussi engagé? », s'est notamment interrogé le secrétaire d'Etat Clément Beaune.  (Pascal GUYOT / AFP)
« Comment une telle phrase peut-elle avoir été prononcée par un Européen aussi engagé? », s'est notamment interrogé le secrétaire d'Etat Clément Beaune. (Pascal GUYOT / AFP)

    Lui qui souffrait d’un manque de visibilité… Michel Barnier, candidat LR à la primaire de droite, très apprécié des militants mais moins connu du grand public, a provoqué la stupéfaction en fustigeant la justice européenne… quelques mois après avoir négocié le Brexit.

    Rembobinons de 24 heures pour comprendre. Jeudi, lors des journées parlementaires du parti Les Républicains à Nîmes, l’ancien ministre lançait ceci : « Nous ne pouvons pas faire tout cela sans avoir retrouvé notre souveraineté juridique, en étant menacés en permanence d’un arrêt ou d’une condamnation de la Cour de justice européenne ou de la Convention des droits de l’homme, ou d’une interprétation de notre propre institution judiciaire. » L’ex-commissaire européen, dont le rôle avait été unanimement salué lors des négociations entre Londres et l’UE, a aussi promis s’il était élu un référendum pour permettre à la France de retrouver sa « liberté de manoeuvre » en matière d’immigration.

    « Comme candidat à une primaire il renierait ce qu’il a défendu ? »

    Ce vendredi, le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune, interrogé par le site Politico, a semblé tomber de l’armoire : « Comment une telle phrase peut-elle avoir été prononcée par un Européen aussi engagé ? ». « Comme négociateur européen du Brexit,@MichelBarnier défendait bec et ongle la primauté de la Cour de Justice de l’UE et de la CEDH. Ou du moins on l’espère », a twitté dans la même veine l’eurodéputée Nathalie Loiseau, issue de la majorité du président Emmanuel Macron. « Comme candidat à une primaire il renierait ce qu’il a défendu ? Lui qui a toujours donné du prix à la parole donnée ? », a-t-elle ajouté.

    Michel Barnier, qu’on ne peut soupçonner de méconnaître le sujet, a twitté à son tour jeudi soir, affirmant ne prôner cela que pour la politique migratoire. Toujours est-il qu’il a aussi suscité hors de France une vague de stupéfaction en appelant à plus de « souveraineté juridique » justement sur la question des migrations, appelant au passage à une « mise à plat de toutes les dérives », y compris en matière de regroupement familial.

    « Quelle hypocrisie ! »

    « Des propos inouïs de la part de Michel Barnier. Ces déclarations jettent le discrédit sur le travail énorme qu’il a réalisé à Bruxelles comme commissaire européen puis comme négociateur de l’UE sur le Brexit », a déclaré la présidente du groupe des socialistes et démocrates au Parlement européen, Iratxe Garcia Perez.

    Ses déclarations ont fait en revanche le délice des tenants d’une ligne dure à Londres face à l’UE, Michel Barnier ayant milité lors des négociations sur le Brexit pour un rôle important de la Cour de justice européenne dans la mise en oeuvre de l’accord de divorce.

    « Époustouflant ! Quelle hypocrisie ! Le même Michel Barnier qui essayait de rabaisser le Royaume-uni en demandant un contrôle sur nos cours et nos frontières… » , a lancé le député conservateur Michael Fabricant.