À la rencontre des aspirateurs de nuages, au sommet du puy de Dôme

Depuis une vingtaine d’années, des scientifiques prélèvent des échantillons de nuages près du sommet du puy de Dôme. Avec pour objectif d’en apprendre plus sur l’évolution de la pollution et sur les mystères de la vie aérienne.

Laurent Deguillaume est l'un des scientifiques qui réalisent des analyses sur les nuages à l'observatoire du puy de Dôme. LP/Alix Vermande
Laurent Deguillaume est l'un des scientifiques qui réalisent des analyses sur les nuages à l'observatoire du puy de Dôme. LP/Alix Vermande

    Ultimes réglages techniques, regard vers l’horizon et coupe-vent sur les épaules, Laurent Deguillaume est prêt à travailler. Son bureau du jour se situe à 1 465 m d’altitude, au niveau de la passerelle de la station du puy de Dôme. Un site dont l’accès est strictement réservé aux scientifiques et militaires. Ce physicien de l’Observatoire de physique du globe de Clermont-Ferrand (OPGC) s’y rend régulièrement avec un objectif en tête : aspirer des nuages. Pour ce faire, il positionne un boîtier métallique au cœur d’un brouillard épais. « À l’aide d’un ventilateur présent dans la machine, on facilite la venue du nuage dans l’appareil qui permet d’avoir un écoulement laminaire et de faire entrer des gouttelettes de nuages qui ensuite tombent dans un récipient », explique-t-il.



    Le contenu de ce récipient est ensuite analysé directement dans le laboratoire de l’observatoire. Les résultats permettent d’en apprendre davantage sur l’évolution de la pollution et les mystères de la vie en suspension dans le ciel : « Des éléments sont parfois transportés à grande distance, donc on peut retrouver du sel de mer dans les nuages qui sont au-dessus de Clermont-Ferrand », précise le scientifique. « On veut comprendre comment ces éléments arrivent dans le nuage. Ils vont subir des transformations qu’ils n’auraient pas connues. Est-ce qu’il devient plus polluant ou moins polluant ? Est-ce que les micro-organismes se dégradent ? »

    Des recherches à la Réunion et aux États-Unis

    Via ces travaux, des chercheurs américains ont même prélevé des micro-organismes résistants aux antibiotiques. Issus de la végétation, du sol, voire parfois des zones arctiques, car ils sont régulièrement en mouvement. Concernant la pollution, des nuages de moins en moins acides sont observés. Ceci pourrait s’expliquer par l’augmentation des réglementations, notamment sur le dioxyde de soufre. En revanche, le benzène est de plus en plus détecté.



    Et si, parfois, Laurent Deguillaume se hisse au sommet du puy de Dôme pour finalement rebrousser chemin en raison du caractère aléatoire de l’apparition de nuages, son « aspirateur » peut voyager. Il a ainsi déjà été utilisé pour des prélèvements sur l’île de la Réunion, et des campagnes sont prévues aux États-Unis. Ce dispositif sera par ailleurs bientôt complété par un projet financé par le Fonds européen de développement régional (Feder) et récemment validé, consistant à équiper un camion qui pourra sillonner la France pour capturer des nuages à des lieux différents. « Ce véhicule aura un mât électrique de 10 m avec une remorque », présente l’Auvergnat. « Ceci nous permettra de davantage observer les problématiques en milieu urbain. Ce devrait être pour 2025 ! »