Il faut sauver le pont d'Iéna de l'écroulement

Construit par Napoléon, le célèbre édifice qui relie le Trocadéro à la tour Eiffel s'est affaissé au fil des ans de 30 à 60 cm. Un chantier hors normes va permettre d'arrêter ce processus.

Il faut sauver le pont d'Iéna de l'écroulement

    Les touristes et les Parisiens qui passent du Trocadéro (XVIe) à la tour Eiffel (VIIe) par le pont d'Iéna ne se sont rendu compte de rien. « Pourtant, trois des quatre piles de ce pont édifié en 1814 se sont affaissées de 30 à 60 cm », révèlent aujourd'hui les spécialistes du service des ouvrages d'Art de la ville de Paris. L'objectif du chantier exceptionnel qui s'est ouvert en juin sur l'édifice consiste aujourd'hui à renforcer les anciens pieux de bois enfouis dans le sol par des cylindres métalliques et de ciment.

    Une opération de sauvetage de ce pont inscrit à l'inventaire des monuments historiques en 1975 et vedette des cartes postales de la capitale. « Sans cela, on risquait l'écroulement dans les 10 à 15 ans à venir», confie Ambroise Dufayet, chargé de la surveillance et de l'entretien des 37 ponts parisiens.

    C'est Napoléon Ier qui a décidé de le construire. Lors de la première exposition universelle de 1900, il a déjà fallu élargir ce cheminement de pierres avec une structure éphémère en bois. En 1937, on passe au dur, avec un élargissment des voies des deux côtés du pont historique. Edifiées en béton, ces extensions et leurs lourdes poutrelles métalliques s'accrochent à l'ouvrage vieux de plus d'un siècle. Mais les pieux en bois ancrées dans le sol à 16 m ne sont semble-t-il pas assez forts pour résister à la surcharge.

    Des fissures sur les voûtes

    « Dès 1937, un tassement de 10 cm est enregistré, note Ambroise Dufayet, sur la base de documents d'époque. Mais en 2000, les choses ont atteint le niveau critique connu aujourd'hui. » Des fissures de quelques millimètres jusqu'à de véritables fractures d'1,5 cm sont constatées sur les voûtes. Les travaux sont alors immédiatement prévus.

    « Le plus délicat a été de comprendre le phénomène de ce tassement », indique Ambroise Dyfayet. « Pour faire face aux désordres enregistrés, la méthode choisie est celle renforcement des pieux de bois. Il s'agit de forer à travers chacune des trois piles fragilisées et de passer à travers douze pieux métalliques remplis de ciment », souligne Benoît Doussau de Bazignan, ingénieur chargé de l'affaire pour l'entreprise Spie Batignolles. Un travail délicat, puisqu'il faut passer à entre le maillage serré des anciennes poutres en bois.

    Le chantier de 1,3 MEUR est engagé sur la partie centrale du pont depuis juin 2015. D'épaisses ceintures métalliques ont été installées autour des piles en maçonnerie afin de parer aux vibrations du forage. Ces cerclages inesthétiques mais efficaces seront maintenus pour les cinq ans à venir.

    Aujourd'hui, les foreuses hydraulique ont réalisé la plupart des trous. Il reste maintenant à plonger les nouveaux renforts à 14 m à travers la maçonnerie puis à 32 m dans le sol. Le chantier de survie du pont d'Iéna devrait s'achever au tout début du mois d'avril.