Lognes : trois ans de prison pour avoir tabassé sa fille après une fugue de quelques heures

Un père de famille a comparu, vendredi, devant le tribunal correctionnel de Meaux, pour des violences aggravées commises sur sa fille, âgée de 15 ans. La mère de la victime était jugée pour non-assistance en danger.

Torcy, illustration : Les policiers du commissariat de Torcy avaient été alertés par la cousine de la victime. LP/Guénaèle Calant
Torcy, illustration : Les policiers du commissariat de Torcy avaient été alertés par la cousine de la victime. LP/Guénaèle Calant

    Une dizaine de gifles, autant de coups de poing au visage, des violences commises avec une ceinture et un balai, des cheveux tirés, des coups de pied sur le corps…. C’est un véritable passage à tabac qu’a vécu Eva (le prénom a été modifié), une adolescente de 15 ans, mardi dernier, à Lognes. Son agresseur : son père, entré dans une fureur indescriptible après avoir appris que sa fille avait fugué quelques heures.

    Si cet homme de 44 ans s’est retrouvé dans le box du tribunal correctionnel de Meaux, vendredi, c’est grâce à la cousine de la victime, qui a appelé les secours. Alertés de violences intrafamiliales en cours, des policiers du commissariat de Torcy étaient intervenus au domicile. Mais le père de famille ayant « caché sa fille », ils n’avaient rien constaté et avaient pris le chemin du retour. Affolée, la cousine s’était précipitée dans la rue pour faire revenir la patrouille, en lui montrant des photos d’Eva, le visage gonflé.

    Si le quadragénaire comparaissait pour violences aggravées, son ex-compagne était également jugée, pour non-assistance à personne en danger. En écoutant le président lire la prévention, la mère de famille – âgée de 35 ans – a fait un début de malaise. Elle a poursuivi l’audience, assise sur une chaise.

    Le président Stéphane Léger n’a pas caché son écœurement : « Le tribunal a l’habitude de juger des violences mais jamais de cette gravité, avec cette intensité. Vous vous êtes acharné, vous l’avez tabassée ». Et le magistrat de rappeler au prévenu qu’il ne s’agissait absolument pas d’un geste d’énervement ponctuel : « Cela s’est passé dans la rue, dans le salon, dans la salle de bains. Vous l’avez traînée par les cheveux ». L’adolescente, qui bénéficie d’une ITT pénale (incapacité totale de travail) de quinze jours en raison de la multiplicité des coups et d’une fracture du nez, n’assistait pas à l’audience.

    « Si j’utilise mes mains, je vais la tuer »

    Depuis le box, sous les yeux de collégiens assis dans la salle d’audience, le prévenu a reconnu que - ce jour-là - il était hors de lui. Il était également jugé pour des menaces de mort, pour avoir dit « si j’utilise mes mains, je vais la tuer ». Le père de famille s’était alors emparé d’une ceinture, parce que ça fait « moins mal ». Le président était à deux doigts de s’étrangler. « J’ai été éduqué comme ça », a tenté de justifier le prévenu. Avant de décrire une forme d’engrenage dans lequel il serait entré : « Je regrette amèrement ».

    La mère de famille – qui vit dans un hôtel social avec ses trois enfants depuis la séparation du couple en octobre dernier - a raconté à la barre les difficultés qu’elle rencontre avec son aînée : « Elle fait des fugues, elle se met en danger sur les réseaux sociaux, je l’ai déjà vue dans une voiture avec des gens que je ne connais pas ». Elle a admis avoir – un temps – été présente dans l’appartement, au moment où Eva recevait des coups : « Je suis descendue, je l’ai vue sur le balcon, elle m’a appelée, il l’a tirée dans l’appartement, j’ai détourné le regard. A aucun moment je n’ai pensé qu’il allait autant s’acharner. Pour moi, c’était que quelques baffes et quelques coups de ceinture (sic). »

    « Cette petite doit la vie sauve à sa cousine »

    Et de reconnaître : « J’ai clairement fait n’importe quoi. J’aurais jamais dû emmener ma fille chez son père. J’ai été lâche, je n’ai pas fait ce qu’il fallait faire, je n’ai pas su protéger ma fille. Je l’ai emmenée chez mon bourreau, sans me douter que ce serait le sien ». Le président lui a reproché sa passivité : « Cette petite doit la vie sauve à sa cousine. Vous savez, il y a plein de parents en difficulté avec un adolescent qui font appel aux services compétents, pour se faire aider ». Eva, son frère et sa soeur sont aujourd’hui placés.

    La substitute du procureur Emeline Masia a requis trois ans de prison, dont deux ferme, avec mandat de dépôt à l’encontre du prévenu : « La correction n’est pas autorisée. Je veux que Monsieur entende qu’on n’est pas sur un simple débordement d’une heure (sic), comme il le dit. On est sur une multitude de gestes ». Me Aminou Bouba, l’avocat de la défense, s’est emporté contre les réquisitions : « J’avais cru naïvement que le parquet prenait en compte la reconnaissance des faits. On vous requiert la loi du Talion. Pour chaque coup, on vous rajoutera un mois ». Les juges ont suivi les réquisitions du parquet. La substitute du procureur a demandé huit mois de prison avec sursis probatoire, avec retrait partiel de l’autorité parentale, à l’encontre de la mère. Celle-ci a écopé d’un an de prison avec sursis simple, sans retrait de l’autorité parentale.