« Les flics passent, mais les jeunes s'en moquent »

Un coiffeur du quartier des Quatre-Chemins

« Les flics passent, mais les jeunes s'en moquent »

    À peine sorti du périphérique, porte de la Villette, il faut tourner à gauche deux fois et entrer dans les petites rues aux immeubles fatigués du quartier des Quatre-Chemins à Pantin. Remonter la rue Lapérouse, encore endormie à l'heure du déjeuner, et se retrouver bloqué par une voiture de police qui s'arrête subitement.

    Trois agents sortent rapidement du véhicule, entourent un jeune mineur qui attend on ne sait quoi devant un magasin de produits exotiques. La fouille dure quelques minutes. Rien à signaler. La voiture de police repart sillonner les rues du quartier.

    « Les flics passent, reconnaît le coiffeur du coin, spectateur quotidien du ballet policier. Mais franchement, ça ne change rien : les jeunes s'en moquent complètement. Aux Quatre-Chemins, c'est de pire en pire depuis deux ans. » Avec un ton désabusé, il raconte les mineurs qui vendent leur drogue dans la rue Lapérouse, ceux qui font le guet toute la journée sur le boulevard Edouard-Vaillant, ceux qu'on embarque et qui reviennent le lendemain. Et puis surtout, ces agressions, de plus en plus en plus fréquentes selon lui — même si aucun chiffre officiel ne permet de le confirmer — et ces attaques régulières dont sont victimes les commerçants et les habitants dans les rues ou les parkings des résidences.

    « Avant, il y avait du deal mais les habitants vivaient tranquillement, poursuit le coiffeur. Aujourd'hui, ils arrachent les sacs des femmes, ils attaquent les vitrines des commerces. » Il y a quelques semaines, sa devanture a été fracturée, une serveuse a été agressée, un commerce a été cambriolé... « Après 15 heures, les clientes ne viennent plus au salon car elles ont peur de sortir de chez elle », assure-t-il.

    A la bibliothèque, on ne saurait dire si les choses empirent. « Mais il y a certainement une impunité qui s'installe », glisse un employé.

    Pourtant, dans les rues avoisinantes, les panneaux indiquant des caméras sont légion. Dix-neuf ont été déployées dans le quartier, classé en zone de sécurité prioritaire (ZSP) et bénéficiant ainsi de quinze policiers supplémentaires sur la zone des Quatre-Chemins, à cheval sur Pantin et Aubervilliers.

    « Les choses sont en train de bouger mais c'est un peu le jeu du chat et de la souris, explique-t-on en mairie de Pantin. Des efforts sont par exemple déployés pour racheter des parcelles et réhabiliter des espaces afin qu'ils soient moins propices au deal. »

    Exemple avec le passage Forceval, chemin idéal pour s'exfiltrer vers le XIXe arrondissement de Paris en cas d'intervention des forces de l'ordre et qui devrait être repensé et réhabilité cette année. Ou bien ces installations électriques — détruites à la scie circulaire par les dealeurs afin de plonger les rues dans l'obscurité — et qui devraient être équipées d'un cash protecteur indestructible.

    D'ici à ce que les effets s'en ressentent, les riverains grincent des dents. Et les commerçants multiplient les pétitions et les travaux de réparation de leurs magasins vandalisés.