Municipales en Seine-Saint-Denis : la revanche des candidats éliminés au premier tour

Plusieurs candidats n’ayant pas atteint les 10 % de voix le 15 mars se retrouvent à de bonnes places sur des listes encore en lice pour le second, à la faveur de fusions parfois… inattendues.

 Canddiat SE à Sevran, le chef de la police intercommunale de Coubron-Vaujours Arnaud Libert (au centre sur la photo) s’est allié avec Sullivan Jous (à sa droite), un associatif issu des quartiers.
Canddiat SE à Sevran, le chef de la police intercommunale de Coubron-Vaujours Arnaud Libert (au centre sur la photo) s’est allié avec Sullivan Jous (à sa droite), un associatif issu des quartiers. DR

    Ils n'ont pas dépassé les 10 % au premier tour des élections municipales, condition sine qua non pour figurer au second. Et pourtant, ils seront bel et bien en lice pour l'élection municipale ce dimanche 28 juin. Et même parfois en très bonne place.

    En Seine-Saint-Denis, dans l'interminable entre-deux tours, les tractations ont engendré des alliances entre listes qualifiées et d'autres éliminées. Objectif : grappiller un maximum de voix pour le scrutin. Avec pour résultat des fusions inattendues, voire contre-nature.

    À Villepinte, la liste (SE) emmenée par Melissa Youssouf, femme de gauche, qui a obtenu 16,58 % des voix le 15 mars, a ratissé large pour l'emporter : en seconde place, Daniel Laurent, ex-maire adjoint de l'équipe sortante (LR) qui se qualifie « sans étiquette »… mais ne cache pas son attachement au « gaullisme social ». L'homme avait obtenu 8,6 % des voix il y a trois mois. Dans la même liste, on trouve aussi Fabrice Scagni, représentant LREM, et ses 5,62 %.

    Drôle de cocktail donc, d'autant que cette liste d'union compte aussi le Front de gauche Gérard Kouassi, qui lui, avait dépassé les 11 %. À eux quatre, ils totalisent presque 42 % des voix du premier tour.

    Les étiquettes mises de côté à Villepinte

    « L'objectif de cette union était de mettre les étiquettes de côté pour éviter un duel entre Martine Valleton (NDLR : la maire sortante) et Nelly Rolland (NDLR : ex-maire DVG), qui gèrent la ville depuis 20 ans et l'ont menée dans une impasse budgétaire », assure Daniel Laurent, propulsé numéro deux de la liste recomposée.

    Même son de cloche pour Mélissa Youssouf, qui avait pourtant écrit noir sur blanc sur sa profession de foi qu'elle ne ferait pas d'alliance au second tour. « Les choses ont changé : je ne vais pas laisser gagner celles qui ont mis la ville au fond du trou, d'autant qu'avec mes nouveaux colistiers, nos programmes étaient similaires. »

    À Sevran, l'associatif des quartiers rejoint le policier

    À Sevran, c'est la liste sans étiquette d'Arnaud Libert, 12,40 % des voix, qui s'est alliée à celle dite « citoyenne » de Sullivan Jous, fort de 9,86 % des suffrages le 15 mars. Ici, c'est le duo qui interroge certains observateurs : Arnaud Libert, chef de la police intercommunale de Coubron-Vaujours aux méthodes peu orthodoxes, qui lui avaient valu un licenciement en 2008 avant d'être blanchi, a fusionné avec Sullivan Jous, trentenaire pur produit de la ville, en défense des quartiers populaires.

    « C'est justement cet alliage qui fait notre force, répond Sullivan Jous. Nous sommes complémentaires. Lui a peut-être pu séduire les zones pavillonnaires, moi les quartiers, même s'il ne faut pas caricaturer. » Et leur fusion a été égalitaire : 24 places pour l'équipe de Libert, 23 pour celle de Jous, qui deviendrait d'ailleurs premier adjoint en cas d'élection. « Arnaud a adhéré à nos valeurs, d'autant qu'il n'est pas un pur produit politique, mais plutôt issu du tissu associatif », se félicite le candidat.

    L'ex-adjoint PC avec le PS autour du candidat DVG à Aubervilliers

    À Aubervilliers, face à la maire sortante Meriem Derkaoui en ballottage défavorable (17, 67 % des voix le 15 mars) et la droite unie menée par l'UDI Karine Franclet, arrivée au premier tour avec 25,69 %, le divers gauche Sofienne Karroumi (19,09 %) s'est allié au socialiste Marc Guerrien (13 %) et… à l'ex-adjoint PCF de l'équipe sortante, Jean-Jacques Karman, qui a raflé 7,43 % des suffrages.

    « Je pense que je peux apporter mon expérience et de nombreuses voix », assure le communiste, qui ne « s'explique toujours pas » son faible score au premier tour. En tout cas, les conditions proposées par ses deux alliés pour faire fusion lui conviennent : « Nous avons, chaque tête de liste du premier tour, un tiers de la liste. C'est la recette d'une politique qui conviendra à chaque courant que nous représentons. »

    A Aubervilliers, Sofienne Karroumi (au centre) prend la tête d’une liste réunissant le socialiste Marc Guerrien (à droite) et le communiste Jean-Jacques Karman. DR
    A Aubervilliers, Sofienne Karroumi (au centre) prend la tête d’une liste réunissant le socialiste Marc Guerrien (à droite) et le communiste Jean-Jacques Karman. DR DR

    Quant à ceux qui taclent son ralliement à Guerrien, secrétaire de la section PS alors qu'il a toujours combattu ce parti, il rétorque : « Je combats une idéologie. Et quand des socialistes, à commencer par Mitterrand ou Hollande, ont fait des conneries, je le dis ! » Mais pour Aubervilliers, Karman jure qu'il « saura trouver un terrain d'entente avec ses nouveaux alliés ».

    Moins surprenant, à Pierrefitte-sur-Seine, le maire sortant PS Michel Fourcade, plus de 47 % des voix au premier tour, a accueilli sur sa liste Dominique Carré, candidat EELV qui a obtenu 7,64 % des voix. Ce dernier n'est autre que son adjoint à l'écologie depuis deux mandats. « Cette alliance est naturelle : on se connaît bien ! Et d'ailleurs, elle aurait dû se faire depuis le premier tour, estime Michel Fourcade. L'avantage, c'est que l'on peut assurer aux habitants que notre majorité, si nous sommes élus, n'explosera pas en plein mandat. »