A Chinguetti, un océan de sable irisé

A Chinguetti, un océan de sable irisé

    A une heure et quart et 60 km du plateau caillouteux d'Atar, c'est une vision surréaliste. Au milieu de l'oued asséché qui sépare le nouveau Chinguetti de la ville historique, deux panneaux et une sono plantés sous une tente sommaire vantentâ?¦ un opérateur de téléphonie mobile. Signe des temps : jusqu'au printemps dernier, on pouvait oublier toute idée de communiquer avec le reste du monde. Pas de réseau. Pas même de téléphone filaire. Jusqu'en novembre 2008, l'électricité n'était disponible que trois heures le soir. De l'autre côté de l'oued, point de départ de nombreuses randonnées, commence le « grand » désert. A perte de vue, un océan de sable ocre et irisé. « Et voilà, là-bas, à 700 km, le Mali ! » déclame Mahmoud, d'un ample geste de sa tunique bleue de Maure, à deux pas de l'auberge qu'il tient avec sa femme.

    Une ville sauvée par le tourisme

    On l'a vu en photos, on en a rêvé. Et voilà qu'assis « pour de vrai » sur le sable qui rougit au soleil couchant, on ne trouve pas de mots. « Quand on demande au touriste ce qu'il en pense, il répond toujours : c'estâ?¦ magique ! » rigole Khadi, le guide. Sylvain ne peut plus s'en passer. Depuis neuf ans, il revient chaque année rendre visite à Mahmoud. Sylvie, elle, a carrément été ensorcelée. Dans une première vie, elle était infirmière, sillonnait les routes de Sologne. Aujourd'hui, c'est un 4 x 4 tressautant qu'elle conduit, avec le risque permanent de crevaison ou d'ensablement. Après avoir bourlingué au Maroc, elle a un jour franchi la frontière et, découvrant la Mauritanie, « tellement plus authentique » a définitivement considéré que « le Sud marocain, à côté, c'est un bac à sable ! ». Depuis onze ans, sa seconde vie est ici : l'accueil des randonneurs au Maure bleu, son auberge de cases à deux lits plantées dans un enclos où elle s'évertue à faire pousser lauriers et oliviers. Seuls les arbres peuvent avoir raison du sable, qui gagne 4 m chaque année. Sans le tourisme, qui y a fait revenir plus de 4 000 habitants depuis 1996, et motivé des travaux de désensablement, Chinguetti, ses huit siècles d'histoire et ses 500 âmes menaçaient de devenir ville fantôme. Les scientifiques donnaient à peine dix ans de survie à la cité caravanière, qui avait compté jusqu'à 33 auberges chamelières. Des cinquante bibliothèques que comptait « La Mecque mauritanienne » ou « Sorbonne du désert », il n'en reste plus qu'une dizaine, dans les maisons de terre rouge de la ville qui abritent des trésors de manuscrits menacés par les termites.