Alerte sécheresse : le niveau des réserves d’eau est-il alarmant ?

11 départements ont déjà pris des mesures de restrictions d’eau en raison de la sécheresse.

 La sécheresse atteint plusieurs régions plutôt épargnées d’ordinaire, ce qui inquiète les agriculteurs et les pouvoirs publics.
La sécheresse atteint plusieurs régions plutôt épargnées d’ordinaire, ce qui inquiète les agriculteurs et les pouvoirs publics. LP

    Avant même la fin du printemps, la France tire la langue. La sécheresse dans certains territoires et le niveau des nappes phréatiques inquiète les pouvoirs publics, et notamment la secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Emmanuelle Wargon. Cette dernière a annoncé mercredi que 11 départements ont déjà pris des mesures de restrictions d'eau.

    Parmi eux, l'Indre est en alerte rouge. Les Pyrénées-Orientales et la Vienne sont eux en alerte orange. Le Nord, la Charente-Maritime, la Charente, les Deux-Sèvres, la Creuse, le Rhône, l'Ain, et l'Isère sont en alerte simple. Six autres départements sont en simple vigilance. « On travaille à endiguer une potentielle sécheresse cet été. Même si la situation n'est pas catastrophique, elle nécessite une vigilance particulière », précise-t-on au cabinet d'Emmanuel Wargon.

    Quelle est la situation aujourd'hui ?

    Selon le BRGM, le service géologique national contacté par le Parisien, la situation n'est pas aussi critique que l'alerte gouvernementale semble le laisser penser. « Les grandes nappes fonctionnent sur des cycles de 6-7 ans, on est face à une fluctuation saisonnière. En ce moment, on a un cycle où le niveau est relativement haut, malgré cette mauvaise année de recharge (NDLR : le rétablissement des niveaux de nappes phréatiques par les précipitations). La France a encore des niveaux de réserve d'eau élevés », explique Laurence Gourcy, hydrogéologue au BRGM.

    /LP/Infographie
    /LP/Infographie LP

    C'est localement que la situation est plus inquiétante. Plusieurs réservoirs affichent déjà des niveaux de modérément bas à bas. Quelques régions, au nord-est - nappes du sud de l'Alsace, de Bourgogne, d'Auvergne-Rhône-Alpes et du Berry -, présentent des niveaux peu favorables, parfois proches des minima enregistrés pour un mois d'avril.

    Encore plus alarmant, certains secteurs n'ont pas enregistré de recharge pendant la période hivernale, notamment en Normandie, en Ile-de-France, en Bourgogne et en Auvergne-Rhône-Alpes.

    Qu'est-ce que cela signifie ?

    « Par rapport à 2017, cette baisse est beaucoup moins généralisée. N'oublions pas que 2018 a été une année d'inondations, donc de fortes recharges des nappes », insiste la scientifique. « Une sécheresse aura un impact beaucoup plus fort si la baisse des recharges se confirme plus tard dans l'année. Si on démarre mal, on arrive mal, c'est logique », développe-t-elle.

    Météo-France étudie les sécheresses depuis 1958. Et la tendance à l'augmentation de la fréquence et de l'intensité - la surface affectée - des sécheresses, qui entraîne les restrictions d'eau, est particulièrement marquée depuis la fin des années 1980. Là encore, le BRGM nuance. « La disponibilité en eau est la même qu'il y a 20 ans en France. Mais, localement, il peut y avoir des différences », précise l'organisme spécialiste de l'hydrologie.

    « L'évolution due au changement climatique, il faut l'étudier sur trois cycles de nappes phréatiques, soit 18 ans », complète Laurence Gourcy, qui rappelle le caractère aléatoire de ces projections.

    Le BRGM et Météo France ont travaillé sur des modèles et des simulations à l'horizon 2070. Et de manière générale, ils mettent en évidence une augmentation future et continue des sécheresses en moyenne annuelle sur le territoire métropolitain au cours du XXIe siècle.

    Le changement climatique va-t-il affecter les réserves d'eau ?

    Les résultats de ces travaux montrent une baisse quasi générale dans l'Hexagone de la recharge en eau comprise entre 10 et 25 %. Deux zones seraient plus sévèrement touchées : le bassin de la Loire, avec une diminution de sa superficie comprise entre 25 et 30 %, et surtout le Sud-Ouest de la France, avec des baisses comprises entre 30 et 50 %.

    De même, tous ces scénarios montrent une baisse du débit moyen mensuel des cours d'eau à l'horizon 2065. Elle varie de 10 à 40 % dans la moitié nord, et de 30 à 50 % dans la moitié sud avec quelques extrêmes pouvant atteindre 70 %.

    Les ressources en eaux souterraines devraient diminuer sensiblement à l'horizon 2070. De + 10 à - 30 % selon les scénarios optimistes, de - 20 à - 55 % d'après les pessimistes.

    Des prospectives qui nourrissent la réflexion du ministère dédié à la Transition écologique. « Il faut économiser la ressource en eau. Cela concerne tous les secteurs, l'agriculture, mais aussi les villes et les usages industriels. On s'interroge sur comment et mieux partager l'eau, mais aussi mieux la protéger des risques de pollution » explique-t-on au cabinet de la ministre.