Déchets nucléaires : au cœur du camp retranché de Bure

Les opposants au projet d'enfouissement de déchets nucléaires sont rassemblés jusqu'à ce dimanche soir à Bure. Rencontre avec les résistants locaux et les militants qui les ont rejoints.

    Du vert à perte de vue. Ici, à la frontière de la Haute-Marne et de la Meuse, les champs fraîchement récoltés ne sont entrecoupés que de forêts de chênes. Sur la route, un tracteur chargé de foin bifurque vers un terrain en contrebas où deux grands chapiteaux de cirque et quelques tentes ont été dressés. Ils abritent jusqu'à ce soir le festival des opposants au futur site d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure.

    « C'est une première, deux maires voisins nous ont donné leur accord pour organiser cette manifestation », se réjouit Angèle, une grande brune chaussée de bottes. Pour elle, c'est le signe que leur combat gagne du terrain.

    Maison de résistance

    Près de la cantine, Marie, comédienne dans une troupe de théâtre, se prépare à donner une conférence. « Je ne suis pas experte, mais je pense que je suis légitime à expliquer pourquoi je m'oppose à ce projet », confie la jeune femme.

    Originaire d'un département voisin, elle a commencé à militer en 2012, puis a fini par acheter une maison à Bure. « On est nombreux dans ce cas », dit- elle en pointant Jules, un jeune homme affairé derrière une grande marmite, qui a rencontré sa femme ici et a repris avec elle un élevage d'escargots.

    De nouveaux opposants continuent d'arriver. On peut les croiser dans les rues de Mandres-en-Barrois, village de 80 habitants à 3 km de Bure, où l'association Sortir du nucléaire a créé une Maison de résistance. En tout, ils sont une quarantaine à y vivre chichement, principalement grâce à des dons. « C'est un choix », commente Sylvain, 26 ans, qui dit appartenir « à une génération politisée par la COP21, l'état d'urgence et l'échec du Grenelle de l'environnement ». « On veut s'empaysanner », martèle-t-il, intarissable contre le « désastre atomique » et sur la Meuse, « terre déjà sacrifiée par les guerres ».

    « La chute du Bure de Merlin »

    Comme lui, John est venu de Paris, où il était enseignant il y a trois ans. Il s'est mis en disponibilité de l'Education nationale « non pour occuper mais pour protéger la forêt ». Le bois Lejuc, où il nous accompagne, cristallise la résistance au projet. C'est là qu'est établi le camp retranché des opposants.

    Les deux accès sont surveillés par des vigies, faites de bric et de broc. En y passant l'hiver par - 10 oC, les militants ont forcé le respect des locaux qui, avant, raillaient « les écolos », reconnaît Michel Labat, natif de Mandres-en-Barrois. Sur ses 220 ha plantés de hêtres, d'érables et de chênes, cet ancien peintre en bâtiment, aujourd'hui à la retraite, a toujours « ramassé du bois et des champignons ». C'est là que doivent être installées des cheminées d'aération pour les galeries souterraines, creusées à 500 m de profondeur.

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    Il y a exactement un an, cinq cents personnes, « des agriculteurs, d'anciens élus », mettaient à terre un mur d'enceinte de 2 km de long, dressé par l'Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) pour barrer l'accès au site. Sur un des pans de béton, de nombreux graffitis racontent ce fait de gloire. « La chute du Bure de Merlin », peut-on y lire.

    Soudain, on entend comme un sifflement. « C'est le signal pour se repérer », explique Michel. Deux cents personnes se relaieraient nuit et jour dans le bois Lejuc en jouant à cache-cache avec les gendarmes et les vigiles de l'Andra. « On est des Indiens », sourit Michel.

    Perchés dans les arbres