Demande en mariage : pourquoi les femmes ne la font pas ?

« Veux-tu m’épouser ? » Dans l’inconscient collectif, pour les couples hétéros, c’est toujours monsieur qui pose la question. Et si cette année, mesdames, vous preniez l’initiative…

 Seulement 5 % des femmes font la demande en mariage dans les couples hétérosexuels, selon une étude américaine.
Seulement 5 % des femmes font la demande en mariage dans les couples hétérosexuels, selon une étude américaine. Getty Images/iStockphoto

    Si ce sont les femmes qui demandent le plus souvent le divorce (elles sont en effet à l'origine d'environ trois quarts des divorces contentieux), la demande en mariage, en revanche, reste l'apanage de la gent masculine. Quelque soit la catégorie sociale ou la génération, il semble acquis pour tout le monde (y compris pour ces dames) que la question « Veux-tu m'épouser? » doit être posée, voire mise en scène avec plus ou moins de bon goût, par monsieur.

    Selon une étude américaine, chez les couples hétérosexuels, seulement 5 % des femmes ont fait cette demande à leur promis. Pour quelle(s) raison(s), celles qui souhaitent se lancer dans ce projet sont si nombreuses à attendre que leur conjoint fasse cette proposition qui les engage pourtant tous deux ? Pourquoi est-ce (encore) si mal vu par la société qu'une femme prenne une telle initiative ?

    Des «pionnières» incomprises

    « Il n'y avait aucune démarche féministe là-dedans. Lorsque j'ai demandé mon conjoint en mariage, j'exprimais juste un désir et j'espérais qu'il serait partagé par celui qui vivait alors avec moi depuis 3 ans, explique Élodie, mariée en 2017. C'est venu naturellement au petit déj. J'ai piqué une réplique d'un sketch de Djamel et lui ai demandé : On s'épouse ensemble ? Il était très ému et a répondu : C'est tout à fait envisageable, voyez mon planning avec ma secrétaire pour une date. »

    « On a ri et à aucun moment, il ne s'est senti émasculé par mon initiative, poursuit Élodie. Et moi, je n'avais pas le sentiment de faire quelque chose de non conventionnel. Je l'ai réalisé après, face aux réflexions de certains proches et amis, y compris des femmes. C'est vrai que je suis la seule dans mon entourage à l'avoir fait ainsi : Tu lui as coupé l'herbe sous le pied. Il doit être déçu ?, Ça ne fait pas un peu désespérée ?. J'ai été très choquée. Quel texte m'impose d'être passive ? » interroge la biologiste médicale de 36 ans.

    «Il m'a dit que c'était son rôle»

    Sur les forums, des femmes qui ont « osé » poser la fatidique question partagent cette expérience… plus ou moins heureuse. Les réactions sont en effet mitigées et prouvent à quel point la demande en mariage est toujours confinée dans « un schéma un peu vieillot », concorde Pascal Anger, médiateur familial et psychothérapeute de couple. Le mythe du prince charmant, genou à terre a encore de beaux jours devant lui.

    Si des retours positifs de ces messieurs apparaissent dans les témoignages, ce n'est pas toujours le cas. C'est cet homme qui dit « oui » mais qui s'empresse d'ajouter « Tu sais j'envisageais de le faire », un autre qui dit « non » pour pouvoir faire lui-même la demande peu de temps après. « Moi, il a refusé. Il m'a dit que c'était son rôle. Donc maintenant j'attends », raconte Netty.

    Sans parler de ces femmes, qui sans faire la démarche, tendent des perches à leur conjoint pour leur faire comprendre qu'elles sont prêtes pour une demande « dans les règles ». « La société n'a pas bougé d'un iota de ce côté-là, juge Pascal Anger. Dans le cinéma, la littérature, les magazines féminins, c'est ce schéma qui est présenté et pas un autre. C'est une mécanique qui se perpétue. »

    Le poids de la tradition

    « Aujourd'hui, lorsqu'on est en couple, on a le choix : le pacs, l'union libre… Le mariage n'est pas une obligation, on peut faire autrement. Ceux qui souhaitent se marier s'inscrivent donc déjà dans une certaine tradition, explique Dominique Picard, psycho-sociologue, auteure de Politesse, savoir-vivre et relations sociales. Or, c'est l'homme qui traditionnellement fait la demande et la femme qui donne sa réponse. C'est une place qui est extrêmement flatteuse et plus valorisante, c'est pour cette raison que les femmes ne veulent pas la lâcher… et que cela continue ainsi. »

    Tradition aussi : en Irlande, les femmes peuvent faire une demande en mariage à leur compagnon... tous les quatre ans. Chaque année bissextile, le 29 février, une tradition « permet » aux femmes de demander un homme en mariage. La coutume remonte au Ve siècle. Tout commence avec Brigide de Kildare, connue également sous le nom de Sainte Brigitte (sainte patronne des Irlandais) qui se serait plainte auprès de Saint Patrick : pourquoi les femmes devraient-elles attendre si longtemps pour que les hommes les demandent en mariage ? Ne pourraient-elles pas le faire ?

    Ce à quoi Saint Patrick aurait répondu oui, à condition que cela ne se déroule que tous les 7 ans. Sainte Brigitte rétorqua que la périodicité était trop longue, et parvint à négocier en réduisant ce délai à 4 ans. La légende dit que Saint Patrick a par la suite décrété le 29 février, journée pendant laquelle les femmes pourraient elles-mêmes faire leur demande. C'est le jour du « Ladie's Privilege ». Encore un peu de patience pour celles qui voudraient importer cette tradition, la prochaine année bissextile est prévue pour 2020.