États-Unis : l’avortement de nouveau autorisé dans le Dakota du Nord

Les médecins avaient une interdiction quasi-totale de pratiquer des IVG dans cet État du Midwest depuis plus d’un an, sous peine de cinq ans de prison. Une décision de justice a annulé la législation, issue déjà d’une bataille judiciaire entre le gouverneur républicain et les prestataires de soins.

Le drapeau du Dakota du Nord reprend la devise américaine "E pluribus sunum", qui peut se traduire par "l'union fait la force". REUTERS/Dado Ruvic/Illustration
Le drapeau du Dakota du Nord reprend la devise américaine "E pluribus sunum", qui peut se traduire par "l'union fait la force". REUTERS/Dado Ruvic/Illustration

    La constitution de l’État du Dakota du Nord protège l’accès à l’avortement, c’est ce qu’a estimé, pour la seconde fois, la justice de cet État du nord des États-Unis, frontalier du Canada, pour annuler l’interdiction quasi totale de l’acte décidée il y a un peu plus d’un an par le gouverneur républicain. Une loi en vigueur depuis avril 2023 a fait de l’interruption volontaire de grossesse un crime. Tout médecin qui la pratique peut être puni de cinq ans de prison. Le texte prévoit que les médecins soient automatiquement poursuivis et qu’ils doivent prouver lors de leur procès que l’avortement était nécessaire pour sauver la vie ou la santé de la mère. Une autre exception autorise les femmes victimes de viol ou d’inceste à recourir à l’IVG, dans les six premières semaines seulement. Un délai impossible à tenir pour celles qui ont subi cette violence, surtout quand elles ignorent encore être enceintes.

    Des prestataires de soins ont porté l’affaire en justice, faisant valoir que l’exception de « risque pour la santé » n’était pas suffisamment claire pour que les médecins sachent quand un avortement était autorisé et quand ils devenaient des criminels.

    Le juge Bruce Romanick a estimé que le texte de loi était trop vague pour être appliqué de manière équitable et violait de ce fait les droits fondamentaux des femmes. La constitution de l’État protège le « droit fondamental de chaque habitant du Dakota du Nord à porter des jugements médicaux affectant son intégrité corporelle, sa santé et son autonomie. La vie humaine à naître, avant la viabilité, ne constitue pas une justification suffisante pour interférer avec les droits fondamentaux d’une femme », écrit le juge non-partisan qui exerce depuis plus de 20 ans à Bismarck, la capitale de l’État, et qui a été réélu à sa charge tous les six ans depuis 2000. « Les lois sur l’avortement en cause dans cette affaire portent atteinte au droit fondamental d’une femme à l’autonomie procréatrice et ne sont pas conçues spécifiquement pour promouvoir la santé des femmes ou pour protéger la vie humaine à naître », a-t-il reproché. L’ordonnance devrait prendre effet dans les 14 jours.

    La bataille n’est pas finie

    La loi d’avril 2023 résultait déjà d’une décision de justice, et de la position prise la Cour suprême du Dakota en mars 2023 contre l’interdiction de l’avortement. Le Dakota du Nord est l’un des 20 États dirigés par les républicains qui ont interdit ou restreint l’avortement après la décision de la Cour suprême des États-Unis en juin 2022 d’annuler la jurisprudence qui permettait aux femmes américaines de choisir librement d’interrompre ou de poursuivre une grossesse. Peu après, la seule clinique d’avortement de l’État, la Red River Clinic, avait déménagé de Fargo vers la ville voisine de Moorhead, dans le Minnesota.



    « Nous avons été obligés de choisir entre sauver la vie d’un patient et risquer une peine de prison », a déclaré le Dr Ana Tobiasz, spécialiste en médecine fœto-maternelle à Bismarck lors d’une conférence de presse sur Zoom. « Nous sommes enfin libres de donner la priorité à la santé de nos patients et de leur offrir des soins de qualité sans craindre de faire l’objet de poursuites pénales ». « Aujourd’hui, le tribunal a légitimement empêché l’entrée en vigueur d’une des lois les plus extrêmes du pays, privant ainsi les habitants du Dakota du Nord de leur liberté de procréation », s’est félicité Nancy Northup, présidente du Center for Reproductive Rights, l’un des prestataires dans le procès.

    La directrice de la clinique Red River, Tammi Kromenaker, a déclaré qu’il n’était pas prévu de rouvrir dans le Dakota du Nord, mais que la décision de jeudi « nous donne de l’espoir ». « Nous avons le sentiment que le tribunal a entendu nos préoccupations et celles des médecins du Dakota du Nord concernant une loi qui, selon nous, allait trop loin », a-t-elle déclaré.

    La bataille n’est pas finie : le procureur général du Dakota du Nord, Drew Wrigley, a déclaré dans un communiqué que l’État « fera appel de cette décision parce que l’opinion du juge Romanick rejette de manière inappropriée la loi élaborée par la branche législative de notre gouvernement » et va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour suprême de l’État. Le gouverneur républicain Doug Burgum, en campagne pour sa réélection, n’avait pas réagi jeudi soir. Le scrutin est prévu en même temps que l’élection présidentielle qui oppose son champion Donald Trump à Kamala Harris, aux positions diamétralement opposées sur le sujet.

    Lors des élections du 5 novembre, les électeurs d’au moins neuf États devraient se prononcer sur des mesures visant à garantir le droit à l’avortement.