Froid : pourquoi se «caille-t-on les miches» quand il «pèle» ?

La langue française ne manque pas d'expressions imagées pour décrire les températures et la neige subies depuis plusieurs jours.

    Il est des expressions populaires résistant à tous les temps, même à un froid de canard  comme celui qui, ce mercredi encore, va nous condamner à grelotter. Mais qu'est-ce qu'un palmipède vient donc faire dans cette histoire aglagladantesque? « Le froid de canard, c'est celui ressenti jusqu'aux os par le chasseur spécialiste de la chasse au gabion, à l'affût en bordure du plan d'eau gelé et qui attend, immobile, la sortie du volatile sauvage », décrypte le lexicographe Jean Maillet, auteur du livre « Inoubliables expressions de grand-mère » (Editions de l'Opportun).

    Le froid de loup, qui donne également la chair de poule, est un clin d'oeil ancestral, lui, à la tuile à loup qui, jadis, s'invitait sur les toits des maisons en Franche-Comté. Elle craquait et « sifflait » sous le souffle des vents glaciaux d'hiver, ce qui annonçait un débarquement imminent dans le village de loups affamés.

    Locutions givrées

    Quant au froid de gueux, c'est celui enduré par l'indigent, le sans-logis qui, forcément, va... se cailler les miches ! Voilà une formule argotique qui parle à toutes les générations. Cailler est à prendre au sens de coaguler : il fait tellement froid que le sang finit par se métamorphoser en caillots dans les veines. C'est une image, bien sûr, utilisée depuis l'ère glaciaire ou presque : le XVIIIe siècle. Au fil des décennies, cailler s'est associé aux miches, pluriel apparu à la fin du XIXe siècle pour désigner les fesses, en référence à la boule de pain fendue. Il compte comme synonyme les meules.

    « Ce mot a vu le jour au milieu du XXe siècle, il renvoie au sommet arrondi de la meule de foin », explique Georges Planelles, auteur du site Expressio.fr par Reverso qui décortique les expressions hexagonales. Se cailler les meules s'est raccourci en ça meule, signifiant tout simplement que... ça pèle. Ce verbe, utilisé en ce sens depuis le début du XXe siècle, rappelle qu'un froid mordant saisit la peau jusqu'à la faire desquamer. Quand il attaque l'épiderme, on a aussi la douloureuse impression que ça pince.

    Nostalgie et dictons

    Toutes ces locutions givrées libèrent un parfum de nostalgie. « Ça fait allusion à un monde disparu, celui de la campagne », résume Gilles Fumey, professeur de géographie culturelle. Toutes ne sont pas éternelles. Certaines ont fini par se volatiliser de nos discussions et autres exclamations. « C'est par exemple le cas de battre le tambour avec les dents, qui signifie claquer des dents », précise l'expert Georges Planelles, qui a écrit l'ouvrage « les 1001 Expressions préférées des Français » (Editions de l'Opportun).

    Nos dictons ont aussi parfois pris la poudre d'escampette. Celui du 27 février, donc de mardi, a été oublié. Pourtant, il était d'actualité : « Gelées du jour Sainte-Honorine rend toute la vallée chagrine ». Ce bon sens paysan est en fait valable partout en Europe, sous l'emprise de la vague de froid Moscou-Paris surnommée la Bête de l'Est en Grande-Bretagne, l'Ours de Sibérie aux Pays-Bas ou le Canon à neige en Suède.