Harcèlement sexuel : la parole des femmes se libère, les témoignages pleuvent

Sur les réseaux sociaux, principalement, la parole des femmes victimes se libère. La tolérance, c'est terminé. Vraiment ?

Depuis quelques jours, des milliers de témoignages de femmes victimes de harcèlement déferlent sur les réseaux sociaux.
Depuis quelques jours, des milliers de témoignages de femmes victimes de harcèlement déferlent sur les réseaux sociaux. LP/ JEAN-BAPTISTE QUENTIN

    C'est un torrent qui n'en finit plus de grossir et passe les frontières. L'affaire Harvey Weinstein, du nom du producteur américain accusé de harcèlement, agression et viol par une trentaine de femmes, délie aussi les langues dans l'Hexagone. Licencié de sa propre entreprise, The Weinstein Company, qui serait sur le point d'être vendue, banni par l'Académie des Oscars, Harvey Weinstein devrait aussi se voir retirer sa Légion d'honneur en France à la demande du président de la République. La ville de Deauville, qui accueille chaque année le Festival du cinéma américain, vient de supprimer son nom qui ornait l'une des planches de la station balnéaire.

    Et d'aucunes, de plus en plus nombreuses, de désigner leur propre Harvey Weinstein sur Twitter, à travers le hashtag #BalanceTonPorc. Il prend ici la forme d'un chef de service, d'un collègue, d'un proche... mais les noms d'agresseurs sont très rares. Seule Sandra Muller, la journaliste qui l'a lancé vendredi en témoignant de sa propre expérience, a franchi le pas. Son mot-dièse a enflammé la Toile avec plus de 60 000 tweets en deux jours. Un autre a depuis pris le relais, aussi sur Twitter ainsi que sur Facebook : #MeToo (#MoiAussi). Même phénomène en Italie, avec le hashtag #quellavoltache («cette fois où...»).



    Des initiatives qui ne font pas l'unanimité. Elsa Tovati nous confie les agressions qu'elle a subies, mais ne souhaite pas s'exprimer sur les réseaux sociaux : «Le côté tribune populaire me gêne un peu», estime-t-elle. La journaliste-écrivain Tristane Banon, qui, la première dès 2011, a dénoncé le comportement de Dominique Strauss-Kahn, disait craindre lundi soir, sur RTL, «une société qui essaie de se faire justice elle-même».

    Mettre la société face à ses responsabilités

    Il n'empêche, les victimes ne gardent plus le silence. La première dame, Brigitte Macron, lundi lors d'une visite dans une école parisienne, s'est dite «heureuse que les femmes parlent». «Ce grave scandale n'est pas miraculeux, mais il peut créer les conditions d'une mobilisation collective, encore plus large», espère Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. Mais la société avance lentement et jusqu'ici la honte et la peur sont toujours du côté des victimes, malgré l'accumulation d'affaires retentissantes : DSK il y a six ans, Baupin en 2016, le photographe David Hamilton, accusé la même année par l'animatrice Flavie Flament de l'avoir violée quand elle avait 13 ans.

    Le projet de loi qui sera déposé en 2018, comme nous l'assure la secrétaire d'Etat à l'Egalité des femmes et des hommes, va-t-il changer la donne ? Actuellement, un arsenal législatif existe déjà, punissant le harcèlement et les agressions sexuelles, mais semble inefficace pour changer les mentalités et engager les femmes à porter plainte.

    L'idée de Marlène Schiappa est de mettre la société face à ses responsabilités en demandant à tous ce qui est acceptable ou pas dans le cadre d'une consultation citoyenne. L'un des principaux points de débat va porter sur la pénalisation du harcèlement de rue. Seuls trois autres pays européens en sont là (Royaume-Uni, Belgique et Portugal). Mais la mesure laisse nombre de magistrats perplexes face à la difficulté de caractériser les faits.

    QUESTION DU JOUR. Faut-il une nouvelle loi pour sanctionner le harcèlement de rue?