Les blocages cessent, pas la colère

Les blocages cessent, pas la colère

    Depuis que la Sorbonne (Paris-III et IV) a décidé mardi de la reprise des cours, la contestation universitaire contre les réformes du gouvernement s'est subitement dévitalisée. De la quarantaine de facs bloquées il y a encore quelques semaines, il ne reste plus qu'une poignée de campus perturbés : Caen, Aix-Marseille-I, Nancy-II, Amiens et Reims (qui a fait l'objet d'un déblocage par la police hier matin). Un seul, Toulouse-II le Mirail, bastion des luttes étudiantes, reste toujours sérieusement paralysé. Hormis ce point noir, l'interminable conflit de seize semaines se dirige donc vers une fin probable. Mais qui n'a pas fini de laisser des tracesâ?¦

    Au fait, qui a gagné ? Difficile à dire car personne â?? ni au gouvernement ni parmi ses opposants â?? ne siffle la fin du mouvement. « Il continue sous d'autres formes, explique Monica Michelin, enseignante à Paris-IV et porte-parole de la Coordination universitaire. Si les cours reprennent, c'est uniquement pour permettre aux étudiants de passer leurs examens. » Dans l'entourage de Valérie Pécresse, on se refuse à crier victoire : « La tendance est à la généralisation de la reprise des cours, mais nous restons très attentifs là où la reprise n'a pas encore eu lieu », souffle-t-on prudemment au ministère de l'Enseignement supérieur. « Les retours de flamme de la part des plus radicaux sont possibles. Le climat est loin d'être apaisé », craint Claire Guichet, présidente de la Fage, 2 e organisation étudiante. Pour elle, tout le monde a perdu, surtout l'université française.

    Que reste-t-il des réformes ? Pas question pour le mouvement de céder sur les réformes, préviennent déjà les contestataires. Car les concessions du ministère de l'Enseignement supérieur n'ont pas suffi, loin de là, à calmer les craintes sur les campus. La réforme de la formation des maîtres a ainsi été reportée d'un an, mais entrera quand même en vigueur. Et sur le statut des enseignants-chercheurs â?? qui avait déclenché le mouvement â??, le principe d'une évaluation des profs tous les quatre ans a été maintenu. « La logique de fond de la réforme demeure : nos facs seront gérées comme des entreprises, ce qui suscite toujours une forte hostilité qui n'a pas fini de s'exprimer », prévoit Monica Michelin.

    Des examens allégés ? « Malgré l'essoufflement du mouvement, l'heure est moins au soulagement qu'à l'anxiété, poursuit Claire Guichet, de la Fage. Les étudiants ont peur des examens et beaucoup nous disent s'inquiéter pour la valeur de leurs diplômes. Le malaise est plus profond que jamais. Avec les grandes écoles, la comparaison fait souvent mal, mais làâ?¦ C'est très dévalorisant ! » Au ministère, on dit pourtant veiller à ce que les semaines à venir se déroulent dans les meilleures conditions. Jugé insuffisant, le plan de rattrapage des cours proposé par Grenoble-III a dû être revu, comme à Nanterre. La crainte ? Que certaines universités fassent passer des examens de seconde classe, sur la base d'un programme amputé. « Les recteurs ont des consignes, martèle-t-on chez Valérie Pécresse. Nous refuserons les diplômes au rabais. » Les frondeurs, de leur côté, ont prévenu qu'ils allégeraient au maximum les contrôles pour ne pas pénaliser les étudiants les plus mobilisés. « Le ministère n'a pas intérêt à nous en empêcher, sinon, ce sera le clash », menace Monica Michelin.