Limitation à 80 km/h : «Je vais perdre beaucoup de temps»

Automobilistes lambda ou élus des territoires ruraux insistent sur le fait que cette mesure n’est pas adaptée à la réalité du quotidien.

 La limitation de vitesse des routes départementales de 90 à 80 km/h sera mise en oeuvre à partir du 1er juillet.
La limitation de vitesse des routes départementales de 90 à 80 km/h sera mise en oeuvre à partir du 1er juillet. LP/ Arnaud Journois

    Un joli coup de bluff. Mardi, le département des Hautes-Alpes a voté pour maintenir la vitesse sur les routes du département à 90 km/h. La délibération devrait probablement être invalidée par la préfecture.

    « Bien sûr, je ne suis pas le Premier ministre, ce vote n'a pas de valeur légale. Avec ce vote, je veux surtout pousser tous les élus départementaux à agir », explique Jean-Marie Bernard, le président (LR) du conseil départemental qui a proposé un vote en séance plénière.

    Résultat, la grande majorité, 26 « pour » sur 29 votants, s'est prononcée en faveur du maintien à 90 km/h sur les quelque 2 000 km de routes que gère le département. Les élus des Hautes-Alpes considèrent que la vitesse excessive n'est pas la seule cause des accidents mortels sur les routes bidirectionnelles de leur département estimant que la lutte contre l'alcool ou le téléphone au volant doit être prioritaire.

    Pour Jean-Marie Bernard, rien ne sauve cette mesure portée par Edouard Philippe : « Le problème ce n'est pas les quelques minutes perdues par trajet en roulant à 80 km/h au lieu de 90, mais l'objectif de l'Etat de rapporter 350 millions d'euros dans les caisses, c'est tout. »

    Varham, artisan-peintre à Gap, peste lui contre les minutes perdues : « Dans notre département sans autoroute, sans grand axe, je passe déjà plus d'une heure et demie en fourgonnette. Avec cette limitation, je vais perdre du temps, beaucoup de temps derrière les camions eux ! (NDLR : eux aussi limités à 80 km/h) », explique ce gros rouleur qui emprunte quotidiennement la nationale RN94 pour se rendre à Briançon.

    Jean-Marie Bernard dénonce « l'absurdité de cette mesure », il fait le décompte : « L'année dernière, 50 % des accidents ont eu lieu en agglomération. Les 2 000 km de départementales n'ont enregistré que 20 % des collisions d'ailleurs souvent causées par la neige et le verglas. La RN 94 très passante environ 30 % » Justement, cet axe passera lui aussi à 80 km/h au 1er juillet.

    «Inutile et même dangereux sur les grands axes»

    Si la Sarthe est l'un des départements les plus touchés par le futur passage de la limitation de vitesse de 90 à 80 km/h, c'est à son réseau particulièrement riche en petites routes de campagne, reliant 360 communes, qu'elle le doit.

    « Sur ces voies, souvent étroites et toujours à double sens de circulation qui représente 3 600 kilomètres, pas de problème pour passer à 80 km/h, estime Frédéric Beauchef, maire (LR) de Mamers et président de la commission des infrastructures routières du conseil départemental. La plupart des automobilistes circulent, de fait, déjà en dessous de cette limite sur ce type de route. »

    L'élu est, par contre, totalement opposé à son application sur les grands axes de circulation qui traversent son département. « Ils représentent environ un quart du réseau et abaisser la vitesse y sera inutile et même dangereux, poursuit Frédéric Beauchef.

    Les automobilistes seront cantonnés à la même vitesse maximum que les poids lourds qu'ils auront donc bien des difficultés à dépasser en toute sécurité. C'est pourquoi, comme tous les élus du département qui ont récemment voté à l'unanimité dans ce sens, je demande qu'on nous laisse la liberté de hiérarchiser le réseau et de décider au cas par cas pour ces grandes routes. Le 80 km/h y sera parfois adapté, parfois non. A nous de le décider. »

    «La montée de stress permanent»

    Parmi les Sarthois inquiets de l'arrivée du 80 km/h, Mickaël, 43 ans, s'interroge lui sur « la montée de stress permanent » qu'il risque d'avoir à affronter lors des 45 kilomètres quotidiens entre son domicile et son travail au Mans.

    « Je suis habitué à rouler à 90 depuis 26 ans. Moins que les quelques minutes que le trajet me prendra en plus, la peur de ne pas respecter à un ou deux kilomètres près cette nouvelle limitation me rendra davantage attentif au moindre contrôle de vitesse plutôt qu'à la vigilance habituelle au volant. »