Merville-Franceville pleure Frederick Glover, un vétéran anglais mort du Covid

Le soldat britannique a été emporté par la maladie le samedi 31 octobre. Le 6 juin 1944, il avait été blessé dans un crash au cours de l’assaut contre la batterie allemande installée dans la ville du Calvados. Depuis 1994, il venait chaque année aux cérémonies, laissant un souvenir impérissable.

 Le vétéran britannique Frederick Glover reçoit, en 2015, la légion d’honneur des mains du maire de Merville-Franceville, Oliviez Paz.
Le vétéran britannique Frederick Glover reçoit, en 2015, la légion d’honneur des mains du maire de Merville-Franceville, Oliviez Paz. DR/Musée de la batterie de Merville

    Merville-Franceville est orpheline d'un de ses héros du DDay. Frederick Glover s'est éteint samedi 31 octobre, à l'âge de 94 ans, « emporté par la Covid-19 », a précisé Olivier Paz, le maire de la commune calvadosienne, dans un tweet d'hommage à « un des plus emblématiques vétérans du 9e bataillon de parachutistes britanniques. »

    Aux premières heures du 6 juin 1944, il était arrivé du ciel pour participer à l'assaut contre la batterie allemande de Merville-Franceville, menace de poids pour le débarquement des troupes terrestres sur les plages. « Fred était dans un des planeurs », retrace la directrice du musée de la batterie, Pascaline Dagorn. L'engin s'était écrasé sur l'objectif, dans un fossé. Le jeune homme avait vu bon nombre de ses camarades tomber sous ses yeux dans les combats. Touché par des tirs au niveau des jambes, il n'avait pas pu aller plus loin.

    « Il était très mince, très droit, et c'était le roi de la danse ! »

    « Deux soldats allemands avaient aussi été blessés dans le crash, reprend Pascaline Dagorn. L'un d'eux avait besoin de morphine. Et Frederick lui en a donné. C'est pour ça que les Allemands ont décidé de le soigner. C'était un homme bon. » Le Britannique avait 18 ans. Capturé, il était parvenu à s'échapper d'un l'hôpital parisien peu de temps après, avec l'aide de la Résistance.

    Frederick Glover était pour la première fois revenu en Normandie dès la fin des années 1950. Depuis, « il avait toujours été là », clame Olivier Paz. L'édile lui avait remis la Légion d'honneur en 2015. « C'était un petit bonhomme qui en imposait. Il était très mince, très droit, et c'était le roi de la danse ! » Un sens du spectacle que confirme Pascaline Dagorn : « Tous les ans, on organise le repas de l'armée britannique. Et à chaque fois, les femmes n'attendaient que d'être invitées par Fred. C'était une vedette », sourit la directrice du musée.

    Un saut en parachute en 2016, pour une commémoration du DDay

    Une vedette qui « avait toujours voulu sauter à nouveau sur Merville », lui qui avait connu une arrivée si mouvementée en planeur en 1944. « J'en rêvais aussi, confie Pascaline Dagorn. En 2016, pour une commémoration du DDay on a décidé de participer au parachutage. Il y avait du vent. J'ai regardé Fred. Il m'a fait un clin d'œil, avec le pouce en l'air, pour me dire qu'on y allait quand même. » Une jolie prouesse, à 90 ans. « En touchant le sol, on s'est tombé dans les bras », raconte la Mervillaise-francevillaise.

    Un saut comme un hommage à cette terrible opération aéroportée sur le flanc est du DDay. Sur les 750 soldats engagés, « seuls 150 ont pu se réunir pour l'assaut, contre une garnison de 122 Allemands à la batterie, rapporte Olivier Paz. Or, dans les écoles militaires, on vous apprend que pour assiéger un site, il faut être quatre à cinq fois plus nombreux. » En 2017, Frederick Glover avait confié à la radio France Bleu les mots de son officier avant de s'envoler pour le Calvados : « Il nous avait dit que l'échec n'était pas une option. Il fallait réduire le canon de la batterie au silence. »

    Ses camarades étaient parvenus à remplir l'objectif. Mal embarqué avec ce crash sous le feu ennemi et sa blessure, Frederick avait survécu. Sa « joie de vivre » a marqué les esprits à Merville, où une rue porte d'ailleurs son nom. Mais au moment de célébrer un de ses héros, la station balnéaire demeure inquiète. « Nos derniers vétérans partent, et nous ne pouvons pas les accompagner, déplore Olivier Paz. Je crains qu'il n'en reste plus aucun à la fin de l'année. »

    Un hommage malgré la pandémie

    Alors que la pandémie contraint fortement les hommages, le musée de la Batterie réfléchit à celui qui pourrait être rendu à Frederick Glover. « Normalement, nous nous rendons en Grande-Bretagne pour les enterrements, en apportant un peu de terre de Merville. Là, ce n'est pas possible, mais on fera un petit quelque chose. Par exemple : planter un arbre, avec une plaque en sa mémoire. » D'ici là, nul doute que Frederick Glover continuera à survoler la batterie de Merville-Franceville.