Pourquoi faut-il réformer la maternelle ?

Classes chargées, enseignants et agents peu formés à ses spécificités, pédagogie parfois inadaptée… Le gouvernement compte rénover l’école maternelle en profondeur. Première étape : les assises de l’école maternelle qui débutent ce mardi.

 Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, entame un nouveau chantier : la rénovation de l’école maternelle qui commence ce mardi avec les assises, dont l’organisation a été confiée au neuropsychiatre Boris Cyrulnik.
Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, entame un nouveau chantier : la rénovation de l’école maternelle qui commence ce mardi avec les assises, dont l’organisation a été confiée au neuropsychiatre Boris Cyrulnik. LP/OLIVIER BOITET

    «S'attaquer à la difficulté scolaire à la racine.» C'est avec cette ambition que Jean-Michel Blanquer entame un nouveau chantier : la rénovation de l'école maternelle. Première pierre de l'édifice, le ministre de l'Education a confié l'organisation d'assises au neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Au programme de ce symposium qui débute ce mardi : des conférences de spécialistes sur le développement de la mémoire, l'importance de la relation affective pour l'apprentissage, le sommeil chez le jeune enfant…

    La tenue de ce colloque avait été annoncée en décembre au lendemain de la publication des résultats catastrophiques de Pirls. Selon cette enquête internationale, le niveau en lecture chute depuis 2001 en France et nos CM1 sont désormais parmi les plus mauvais élèves d'Europe. Preuve de l'importance accordée au dossier, c'est Emmanuel Macron qui ouvrira les assises.

    Une lettre ouverte de la communauté éducative

    «Ce sera sûrement très intéressant mais espérons que cela ne se résume pas à un exercice de communication, destiné à dérouler une réforme déjà ficelée», commente Hervé-Jean Le Niger, le vice-président de la FCPE. Signe d'inquiétude, cette fédération de parents d'élèves publie aux côtés de huit autres organisations* une lettre ouverte invitant le ministre à débattre avec l'ensemble de la communauté éducative. «L'école n'est pas un sujet qui doit être traité dans l'entre-soi mais avec celles et ceux qui la font vivre», préviennent les signataires.

    Si, rue de Grenelle, on assure que rien n'est écrit, plusieurs pistes se dessinent déjà. Les écoles maternelles françaises ont longtemps été présentées comme un modèle. «Leur réputation a conduit, après la Deuxième Guerre mondiale, à un taux de scolarisation très élevé des 3-5 ans mais notre avance a depuis fondu», souligne Daniel Agacinski, auteur d'une note d'analyses de France Stratégie, une institution rattachée au Premier ministre.

    Vers un dédoublement des classes?

    Les maternelles ont eu tendance à perdre leur spécificité et devenir au fil des ans une succursale de l'élémentaire où l'on prépare surtout la suite de la scolarité : apprendre à lire, écrire et compter. De nouveaux programmes prenant mieux en compte le développement des jeunes enfants sont apparus en 2015 mais ils peinent à être appliqués.

    Parmi les difficultés, les effectifs très chargés, avec en moyenne, sur ces trois dernières années, 25,5 élèves par classe. « C'est plus que la taille maximale autorisée dans la plupart des pays européens », rappelle Daniel Agacinski. Le ministre de l'Education va-t-il dédoubler les maternelles, comme il a commencé à le faire dans les CP et les CE1 des quartiers défavorisés ? «C'est une des propositions que je ferai», annonce le neuropsychiatre Boris Cyrulnik.

    Pour améliorer l'encadrement, le gouvernement pourrait aussi être tenté de s'appuyer sur les Atsem (Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles), ces employés communaux qui assistent les enseignants. Mais ils ne sont que 50 000 pour environ 100 000 classes et leur formation est limitée : un simple CAP petite enfance est exigé. «Et tous ne l'ont pas», pointe Boris Cyrulnik. Résultat, beaucoup d'Atsem se cantonnent aux tâches ménagères.

    Une certification spécifique pour les professeurs

    L'autre «gros enjeu» de la réforme, selon la Rue de Grenelle, passe par la formation des enseignants eux-mêmes. «Dans les Espe (les écoles où ils sont formés), le nombre d'heures consacrées à la maternelle est très limité», reconnaît Isabelle Racoiffier, présidente de l'Ageem (Association générale des enseignants des écoles maternelles).

    Conscient de cette difficulté, le ministère envisage de créer une certification» spécifique, délivrée après le concours de professeurs des écoles. «Mais il ne faudra pas pour autant replier la maternelle sur elle-même, avec des spécialistes qui n'auront aucune idée de ce qui se passe ensuite, en élémentaire », prévient Francette Popineau, la porte-parole du SnuiPP-FSU, le principal syndicat d'enseignants du 1er degré.

    *FCPE, SnuiPP-FSU, Ageem, GFEN, Icem, Interco-CFDT, SE-Unsa, Sgen-CFDT, Snuter-FSU.