Qu’est-ce que la «piscine nucléaire», sur laquelle Greenpeace a jeté des fumigènes ?

Les piscines de stockage du combustible usagé sont, selon Greenpeace, le talon d’Achille de la sécurité nucléaire en France. EDF martèle qu’elles sont bien protégées et que l’intrusion des militants, ce vendredi à Cruas-Meysse, « n’a pas eu d’impact ».

 Centrale de Cruas-Meysse, en Ardèche. Chaque réacteur nucléaire français est accolé à une piscine de refroidissement qui permet de faire descendre la température des combustibles usagés avant de les transporter dans un centre de retraitement.
Centrale de Cruas-Meysse, en Ardèche. Chaque réacteur nucléaire français est accolé à une piscine de refroidissement qui permet de faire descendre la température des combustibles usagés avant de les transporter dans un centre de retraitement. AFP/Philippe Desmazes

    Elles sont indispensables aux centrales nucléaires françaises. Les « piscines nucléaires », en fait des compartiments de stockage du combustible usagé qui a servi à la production d'énergie, servent à entreposer ces déchets radioactifs avant qu'ils ne soient envoyés dans une usine de retraitement. Très chauds à la sortie du réacteur, ces combustibles doivent en effet longuement refroidir avant d'être transportés. Ils sont donc immergés sous plusieurs mètres d'eau pendant deux ou trois ans. Chacun des 58 réacteurs français est ainsi accolé à une piscine de refroidissement. Or selon Greenpeace, ces enceintes de stockage sont fragiles et bien trop accessibles pour résister à un éventuel attentat. Ce qu'EDF, qui exploite les 19 centrales de l'Hexagone, dément formellement. Décryptage.

    Pas d'intrusion dans la zone dite « nucléaire »

    Une fois de plus ce vendredi, plusieurs militants de l'ONG se sont introduits dans une zone interdite au public dans laquelle se trouve une centrale, celle de Cruas-Meysse (Ardèche). Ces derniers ont d'abord réussi à passer le premier niveau de sécurité pour atteindre une zone peu sensible, où se trouve généralement l'accueil. Ils ont ensuite franchi une deuxième barrière, normalement bien plus sécurisée, pour atteindre la zone réservée aux équipes qui travaillent sur le site. C'est de là, sans franchir la troisième et ultime barrière, que les militants ont pu toucher et peindre une partie du mur de la piscine de la centrale, avant d'être interpellés. Ils ont également allumé des fumigènes à proximité et ont filmé la scène, qu'ils ont partagée sur les réseaux sociaux. Ils se targuent enfin d'avoir « pu rentrer comme dans un moulin » dans la centrale et interrogent sur la résistance des installations en cas d'intrusion malveillante.

    Depuis plusieurs années, Greenpeace alerte ainsi les autorités sur la « vulnérabilité » de ces compartiments de stockage, qui contiennent finalement plus de substances radioactives accumulées que le réacteur lui-même. Ils suscitent également la peur des citoyens en interrogeant sur les conséquences, s'ils n'avaient pas eu des fumigènes mais de véritables explosifs à déposer près de la piscine.

    Un risque de relâchement de radioactivité ?

    En octobre dernier, l'ONG a même communiqué sur un rapport d'experts qu'elle a commandé, dont l'intégralité n'a été fournie qu'aux autorités pour des raisons de sécurité. Selon Oda Becker, contributrice allemande de l'étude, « les piscines des centrales françaises, contrairement aux allemandes, sont toutes situées en dehors du bâtiment réacteur, bien moins protégées ». Par ailleurs, « si leur fond est renforcé avec du béton armé et un revêtement étanche en acier, les structures qui les recouvrent tiennent davantage du hangar agricole que de l'édifice nucléaire », insistait alors Yannick Rousselet, chargé de campagne de Greenpeace. Selon lui, la moindre fissure dans la structure de la piscine pourrait entraîner une fuite d'eau, qui ne couvrirait ainsi plus assez le combustible et provoquerait un relâchement de radioactivité.

    VIDEO. Greenpeace s'inquiète de la « vulnérabilité » des piscines de refroidissement

    EDF : « Nos dispositifs fonctionnent parfaitement »

    Selon EDF toutefois, ce scénario catastrophe ne peut se produire. D'abord, « les militants de Greenpeace n'ont pas franchi le 3e niveau de sécurité », martèle la communication au sein du groupe. C'est vrai, ils ont atteint le mur de la piscine sans avoir à franchir la troisième barrière, extrêmement sécurisée, qui les aurait menés devant l'entrée du réacteur et de la piscine. Autrement dit, ils ne sont pas entrés à l'intérieur de l'un de ses bâtiments très sensibles, ni même dans la zone dite « nucléaire » qui les entoure. Mais l'un des murs de la piscine servant lui-même de limite entre la deuxième et la troisième zone, les militants se sont contentés de s'en approcher. Suffisant selon eux pour créer des dégâts, en cas d'intention malveillante comme une attaque terroriste.

    Mais selon EDF, la paroi de la piscine est bien moins fragile que ce que l'ONG, ou le rapport d'experts, ne le laissent entendre. « C'est du béton tout comme le réacteur. Et peu importe l'épaisseur (a priori moins importante que celle de la paroi du réacteur, NDLR), il y a des dispositifs de résistance à l'intérieur du mur. […] EDF fait des investissements en permanence pour parer à toute éventualité, y compris au terrorisme », assure-t-il.

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    Enfin, « les militants ont été interpellés rapidement, ce qui prouve l'efficacité du système. Nos dispositifs fonctionnent parfaitement et l'intrusion n'a eu aucun impact sur la sécurité du site », rassure EDF qui a annoncé son intention de porter plainte.