Dry January : et si on faisait une pause avec l’alcool en janvier ?

Le défi du mois sans alcool, venu d’Angleterre, se popularise en France. Objectif : réduire de manière ludique notre lever de coude à la française.

 Il faut en finir avec «le mythe» du verre quotidien qui serait bon pour la santé, estime le Pr Mickaël Naassila, directeur du groupe de recherche sur l’alcool à l’Inserm.
Il faut en finir avec «le mythe» du verre quotidien qui serait bon pour la santé, estime le Pr Mickaël Naassila, directeur du groupe de recherche sur l’alcool à l’Inserm. LP/Philippe Lavieille

    Pierre veut savoir quelle place il occupe dans son quotidien. Isilda espère montrer à ses fils qu'on peut faire la fête sans lui. Le point commun entre ce trentenaire et cette quinquagénaire? Tous deux vont participer au défi de Janvier sans alcool. Un mois où on lève le pied plutôt que le coude, pour régénérer son corps et interroger sa relation au verre à pied et à la chope.

    En Angleterre, le Dry January fédère quatre millions de personnes, tandis qu'un Belge sur cinq paie sa Tournée minérale (au mois de février). En France pourtant, il fait sacrément débat entre ceux qui le conspuent, voyant en lui une toquade puritaine, et ceux qui brandissent les arguments de santé publique sur les dégâts sanitaires et sociaux que l'alcool provoque. Le gouvernement a, lui, enterré l'opération de sensibilisation officielle que les autorités de santé construisaient. Et vous, relèverez-vous le défi?

    Quels bénéfices en retirer ?

    Il y a les principes généraux : un mois pour se tester, pour évaluer son rapport au produit… Et il y a le concret. « Le retour d'expérience fait en 2018 par nos voisins anglais montre six bénéfices immédiats : 86 % des participants ont fait des économies en janvier, 70 % ont mieux dormi. Ils se sont sentis mieux, ont eu plus d'énergie, ont été plus concentrés et ont perdu du poids », liste Nathalie Latour, secrétaire générale de la Fédération Addiction.

    VIDÉO. Comment passer un mois sans boire d'alcool

    Mais selon celle qui relèvera le défi pour la deuxième année (et ce n'est pas si simple, assure-t-elle), les bienfaits continuent à moyen et à long terme avec un meilleur contrôle de sa consommation le reste de l'année et un réflexe moindre de voir en son breuvage un rempart contre le stress. « Une pause en janvier entraîne les onze mois suivant un verre de moins par occasion et un jour de consommation de moins par semaine », synthétise-t-elle. Une sorte de détox pour rétablir un équilibre durable.

    Est-ce vraiment zéro alcool pendant un mois ?

    « Fixer une abstinence pendant un temps donné permet de mettre la barre haut pour arriver ensuite à une réduction », plaide le Pr Mickaël Naassila, directeur du groupe de recherche sur l'alcool et les pharmacodépendances à l'Inserm, précisant qu'il ne s'agit en aucun cas d'une « injonction. »

    Créatrice de l'opération Janvier sobre, Laurence Cottet, ancienne alcoolique qui met son expérience au service des autres, propose un concept un peu différent : « Chacun fixe son challenge : zéro alcool tout le mois, aucun en semaine mais un ou deux verres le week-end, etc. Le fait est qu'il faut apprendre à respecter les recommandations de l'OMS : maximum deux verres par jour, et pas tous les jours. Ce sont les repères d'une consommation à moindre risque, mais le risque existe dès le premier verre. »

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    Mickaël Naassila confirme qu'il faut en finir avec « le mythe » du verre quotidien qui serait bon pour la santé. « Aucune étude scientifique sérieuse, tranche-t-il, n'a permis de démontrer cela. » On sait en revanche que l'alcool est responsable de 41 000 morts, par cancers, maladies ou accidents et crée une dépendance chez près de deux millions de Français.

    N'est-ce pas jouer au Père la morale ?

    Menées par l'écrivain Philippe Claudel, 42 personnalités ont appelé dans une tribune sans concession à cesser de « culpabiliser » les amoureux du vin. « Je comprends que l'on puisse se dire mais y'en a marre du sans sel, sans viande, sans sucre, sans alcool, concède Laurence Cottet, mais il n'est pas question ici d'interdit mais plutôt d'éducation. Il faut retrouver la notion de plaisir, qui n'existe pas lorsque l'on est dans l'excès. »

    Comment s'y prendre ?

    On peut choisir de faire son break dès le lendemain du réveillon. Mais le Dr William Lowenstein, président de SOS addictions, propose une approche progressive, notamment aux personnes qui consomment beaucoup d'alcool.

    « La première semaine est un round d'observation. Notez chaque jour, sur votre téléphone ou un carnet, ce que vous avez bu, le nombre de verres et les circonstances (au travail, en famille, en soirée ou tout seul…). Les trois semaines qui suivent seront consacrées à la réalisation de l'objectif que vous vous êtes fixé. Si vous rencontrez des difficultés, il faut les inscrire pour ensuite les analyser et les contourner », détaille-t-il.

    Conscient que l'un des freins est la pression sociale, le médecin conseille d'avoir dans sa poche trois phrases clés en main à dégainer : « Ouh là, je me suis mis une sacrée mine hier soir, aujourd'hui, je fais pause. Ou : Je suis sous antibiotiques. Ou encore : non, c'est bon, je suis bien comme ça. Cette dernière marche du tonnerre, promet-il. »

    Et si je craque ?

    « Ce n'est pas grave du tout, ça arrive et c'est normal », rassure Nathalie Latour. Dans ce cas, on s'y remet le lendemain, si possible en essayant de comprendre ce qui s'est passé, mais sans culpabiliser.

    Trois chiffres