Covid-19 : un nouveau variant provoque-t-il vraiment beaucoup de conjonctivites chez les très jeunes enfants ?

Plusieurs médias rapportent des symptômes différents avec le sous-variant Omicron XBB.1.16, encore assez peu détecté en France. Mais les données sont trop limitées pour véritablement se prononcer.

Un nouveau sous-variant d'Omicron est récemment apparu, XBB.1.16, surnommé « Arcturus » par certains scientifiques sur les réseaux sociaux (Illustration). AFP/Alissa Eckert
Un nouveau sous-variant d'Omicron est récemment apparu, XBB.1.16, surnommé « Arcturus » par certains scientifiques sur les réseaux sociaux (Illustration). AFP/Alissa Eckert

    À chaque nouveau variant, son « nouveau » symptôme plus fréquent. Après Omicron BQ.1.1 et les troubles digestifs à l’automne dernier, au tour de XBB.1.16. Celui-ci provoquerait davantage de conjonctivites et toucherait plus fréquemment les très jeunes enfants, d’après plusieurs médias français et anglo-saxons ces derniers jours. Une suggestion basée sur des témoignages et des données très limitées, et donc à interpréter avec beaucoup de prudence. On fait le point.

    Qu’est-ce que ce XBB.1.16 ?

    Le variant Omicron est en réalité une grande famille, regroupant plusieurs de centaines de sous-variants, qui se distinguent par une ou plusieurs mutations dans le génome du virus. XBB.1.16, surnommé « Arcturus » par certains scientifiques sur les réseaux sociaux, est l’un de ceux apparus le plus récemment. Il progresse dans de nombreux pays, notamment en Inde où il représenterait la majorité des cas positifs. Mais aussi dans des pays occidentaux, comme les États-Unis et la France, tout en y étant assez peu détecté pour le moment.

    L’Organisation mondiale de la santé l’a classé le 17 avril parmi les « variants d’intérêt », c’est-à-dire la 2e catégorie la plus élevée. Ses caractéristiques pourraient lui permettre de remplacer progressivement les autres variants en circulation, entraînant une remontée du nombre de nouvelles infections. Néanmoins, sur la base des données disponibles, il ne semble pas entraîner davantage de formes sévères.

    D’où vient l’affirmation selon laquelle il entraînerait beaucoup de conjonctivites ?

    Les différents articles se basent essentiellement sur des témoignages d’un pédiatre indien et sur des « rapports » souvent non sourcés. Le médecin en question, Vipin M. Vashishtha, a indiqué à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux en avril qu’il avait souvent constaté des conjonctivites chez des enfants infectés par XBB.1.16. Les yeux collaient et entraînaient des démangeaisons.

    Nous avons aussi retrouvé, sur le serveur MedRxiv, un article scientifique paru le 20 avril et qu’il a corédigé. On y découvre le profil clinique de cas pédiatriques de Covid en pleine propagation de XBB.1.16, dans une ville située au nord de l’Inde. Cette étude n’en est qu’au stade de la « prépublication », c’est-à-dire qu’elle n’a pas encore été relue par les pairs. Et surtout, elle paraît très limitée.

    Les 127 enfants atteints de symptômes évocateurs d’un Covid et reçus en consultation dans un hôpital pédiatrique ont été suivis. Parmi eux, 90 ont été testés pour le SARS-CoV-2 et seuls 25 ont été positifs. 22 d’entre eux étaient âgés de moins de 5 ans. Parmi ces tout-petits, 9 ont présenté une conjonctivite de forme légère, et non purulente. « Cette manifestation n’était pas observée chez les nourrissons lors des vagues précédentes de Covid-19, en particulier dans cette région », écrivent les deux auteurs. Aucun enfant n’a dû être hospitalisé, et tous se sont facilement rétablis en quelques jours.



    Ces résultats comportent de nombreux biais. D’emblée, la taille très réduite de l’échantillon doit inciter à la prudence. Ensuite, seuls les enfants symptomatiques ont été testés et aucun prélèvement positif n’a été séquencé. Du coup, il n’est pas possible d’affirmer qu’il s’agit systématiquement de XBB.1.16. « Nous pensons que la plupart des cas positifs en sont », peut-on simplement lire. « Personne ne nie que ces patients-là existent mais on est sur de très petits nombres, et la méthodologie ne permet pas de conclure quoi que ce soit », pointe l’épidémiologiste Mircea T. Sofonea, qui a lu l’article à notre demande.

    Comme les deux auteurs l’écrivent eux-mêmes, beaucoup d’autres virus respiratoires, comme l’adénovirus et le VRS, sont connus pour provoquer des conjonctivites. Or, seuls deux enfants ont été testés à l’adénovirus (avec un résultat négatif à chaque fois). « C’est largement insuffisant pour exclure l’adénovirus de façon générale. Plus globalement, il est tout à fait possible d’avoir une circulation un peu plus forte de tel ou tel virus dans une région, et qu’ensuite les enfants infectés soient aussi positifs au SARS-CoV-2 », fait remarquer Mircea T. Sofonea.

    En résumé :

    • Un nouveau variant au sein de la grande famille Omicron, classé « d’intérêt » par l’Organisation mondiale de la santé, progresse dans de nombreux pays.
    • Il est beaucoup trop tôt pour savoir s’il entraîne des symptômes différents des variants précédents, mais les données disponibles ne suggèrent pas de gravité accrue.