Perruques, pommades, vernis… les frais cachés des malades du cancer

À l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer, Christel Balme pousse un cri d’alerte. Comme la plupart des malades, elle a dû faire face à une avalanche de frais cachés.

    Le vernis, ce n'est pas du tout le truc de Christel Balme. Les flacons dans sa salle de bains ne sont pas là par coquetterie, mais pour éviter que ses ongles noircissent, cassent, tombent. Pour chaque tube, elle a déboursé 5,20 euros. Ajoutez à cela pots de crème et autres soutiens-gorge spécialisés, vous obtenez le « profond sentiment d'injustice » ressenti par la préparatrice en pharmacie de 45 ans.

    En rémission d'un cancer du sein, elle poste, en ce lundi Journée mondiale contre la maladie qui touche 400 000 Français chaque année, une série de missives destinées notamment à Emmanuel Macron et la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Après une première salve de courriers cet été restés sans réponse, elle alerte une nouvelle fois sur ce qu'elle nomme les « frais cachés » du cancer. Comprendre, le coût des produits indispensables pour contrer les effets de la maladie, mais non remboursés par la Sécurité sociale, à peine, voire pas du tout par les mutuelles !

    VIDÉO. «Il faudrait instaurer un système de forfait»

    Les malades réclament une seule chose, y lit-on : « pouvoir se soigner dignement ». Christel écrit comme elle parle, accent du Sud en moins : franchement, entièrement, avec des phrases qui sonnent comme un uppercut. Il faut dire que les poings, elle les sort depuis longtemps. « Chez moi, les femmes meurent toutes d'un cancer du sein, résume-t-elle. Alors, se battre, je connais. » Le vilain crabe a emporté, très jeune, sa grand-mère puis sa mère. Celui de Christel a été diagnostiqué en juin 2017. Comble de l'histoire, c'était trois mois avant l'opération préventive que cette maman d'une ado de 18 ans devait subir.

    Bulletins de paie amputés de 15 %

    L'ablation du sein gauche (celle du droit aura lieu dans quelques mois), des ovaires, la lourde chimiothérapie qu'elle a vécue, passe encore. « Mais je ne supporte pas qu'on ajoute à la souffrance physique et morale des patients des freins financiers et administratifs. J'ai rencontré des tas de femmes qui n'avaient pas les moyens, ça me met hors de moi. » Et ça se voit. Christel, visage encadré par une chevelure violine, les poings fermés, reste debout, ponctue chaque phrase d'un « putain » soufflé entre tristesse et colère.

    Alors, sur la table haute de sa maison de Molières-sur-Cèze (Gard), bourgade en pleine nature où elle nous reçoit, la quadra étale tout ce qui relève de « l'envers du décor ». D'abord, ses bulletins de paie. Pendant plus d'un an, jusqu'à sa récente reprise en mi-temps thérapeutique, ils ont été amputés chaque mois de près de 15 %, soit 260 euros. Et puis les gels douches hypoallergéniques pour préserver sa peau : 15 euros.

    Chaque pot de crème hydratante contre les brûlures - « ça, je devais m'en pommader du matin au soir ! lance-t-elle »- : 18 euros. Les soutiens-gorge sans armature après sa mastectomie : 56 euros chacun. Sa perruque : 499 euros dont 125 euros remboursés… Sans parler des dentifrices ultra-fluorés ou des fortifiants à cils.

    Les témoignages de patients s'accumulent

    L'addition ne s'arrête pas là. « La franchise médicale fait que nous participons à hauteur de 1 euro lors d'une consultation chez un généraliste, 2 euros lors d'un transport en ambulance, 4 euros pour une prise de sang. Pas grand-chose, dit Christel. Sauf que pour la chimio, il faut une prise de sang par semaine, un transport aller-retour, etc. Les sommes totales sont énormes ! »

    Sur sa page Facebook, les témoignages de patients s'accumulent. En tête des revendications, le remboursement « inadapté » de la perruque, même si des avancées sont prévues. « C'est dingue, on vit tous la même chose », note-t-elle, en faisant défiler les commentaires. Et promis, ce n'est pas parce qu'elle porte un gilet -en laine- jaune moutarde qu'elle dit cela mais… « le climat général montre bien qu'il est temps de cesser la gestion pyramidale de la France, de voir quels sont nos besoins réels », écrit-elle au président.

    Dans le cahier de doléances qu'elle est allée remplir dans sa mairie, elle a noté « être égaux face à la maladie ». En clair, boxer, oui, mais encore faut-il qu'on donne aux patients les moyens d'avoir les bons gants.

    REPÈRES

    400 000 nouveaux cas de cancer en France en 2017, contre 385 000 en 2015. 214 000 concernent les hommes (prostate, poumon et côlon principalement) et 186 000 les femmes (sein, côlon, poumon).

    Plus d'un malade sur deux guérit aujourd'hui du cancer. La baisse de mortalité amorcée dans les années 1980 se poursuit : -1 % en 2017 pour les femmes, -1,5 % pour les hommes.

    Près de 50 % des malades ont un reste à charge après la fin de leur traitement : frais de transport, médicaments post-maladie pour traiter les effets indésirables, consultations chez le diététicien ou le psychologue, problèmes dentaires…