Virus en Chine : fake news et spéculations en pleine propagation

Coronavirus échappé d’un laboratoire, soupe de chauve-souris « potentiellement létale »… De fausses informations concernant ce virus qui a fait 18 morts en Chine se propagent depuis le début du mois.

 Au total, près de 600 personnes ont été contaminées, essentiellement sur le territoire chinois, par le Coronavirus. Et 18 sont mortes.
Au total, près de 600 personnes ont été contaminées, essentiellement sur le territoire chinois, par le Coronavirus. Et 18 sont mortes. REUTERS

    Un virus de la famille du Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère), 18 morts et plus de 600 contaminations, deux villes du centre de la Chine placée en quarantaine et de nombreuses inconnues. Le coronavirus baptisé « 2019-nCoV », est au centre de toutes les inquiétudes depuis l'apparition des premiers cas en décembre à Wuhan.

    Et faute d'éléments déterminant formellement son origine, ainsi que les conditions de sa propagation et la durée de sa période d'incubation, cette maladie potentiellement mortelle, qui se transmet par les voies respiratoires, est devenue la source de multiples spéculations et fake news. Le Parisien les passe au crible.

    La souche se serait « échappée » d'un laboratoire installé à Wuhan

    Plusieurs utilisateurs de Twitter rappellent depuis quelques jours qu'un laboratoire étudiant les souches de virus dangereux a été installé dans la ville de Wuhan en 2017. Une coïncidence qui en laisse plus d'un perplexes.

    Certains évoquent même, sans apporter de preuve, que le virus se serait « échappé » de ce laboratoire.

    « Les animaux du marché de Wuhan sont mis en cause dans cette épidémie, ce que j'aurais aussi pu croire s'il n'y avait pas eu cette libération accidentelle d'agent pathogène dans le laboratoire de virologie de Wuhan le mois dernier », croit savoir un internaute qui se décrit comme un « analyste amateur des maladies infectieux », sans évidemment étayer ses dires.

    De nombreux comptes partagent un article paru dans la revue Nature en 2017 et intitulé « À l'intérieur du laboratoire chinois chargé d'étudier les agents pathogènes les plus dangereux au monde ». Selon son auteur, après l'étude d'un virus transmis par les tiques, les chercheurs chinois de ce laboratoire qui s'est installé récemment dans la ville, pourraient ensuite s'intéresser aux virus responsables du Sras et d'Ebola. On ignore s'ils ont débuté leurs recherches à ce jour sur les deux virus.

    « Certains scientifiques extérieurs à la Chine s'inquiètent d'une fuite de ces agents pathogènes », écrit aussi Nature, qui rappelle néanmoins que le laboratoire bénéficie du niveau de sécurité « BSL-4 » soit le niveau de confinement biologique le plus élevé dans le pays. Il n'en fallait pas plus pour réveiller de nombreux adeptes des théories du complot, alors qu'on ignore encore le point de départ de la propagation du virus à l'homme.

    Du « désinfectant » utilisé à Shanghai

    Une vidéo postée mardi par un utilisateur de Twitter et vue depuis près de 300 000 fois depuis, montre une ville qu'il présente comme étant celle de Shanghai, en Chine, complètement enfumée.

    Sur l'une des routes, un véhicule propage une intense fumée blanche, qui s'évapore progressivement. « Le gouvernement est en train de répandre du désinfectant dans la zone résidentielle. Des airs de Tchernobyl », écrit l'internaute, faisant référence à la catastrophe nucléaire de 1986, sous le hashtag #Wuhanvirus.

    De nombreux commentaires ont immédiatement crié à la « fake news », alors que la vidéo n'a pu être ni datée, ni localisée. Certains médias ont également tenté, en vain, de contacter le diffuseur de ces images, afin d'en savoir plus.

    Les autorités chinoises ont bien désinfecté certaines zones, comme la station de train de Wuhan, relate le New York Times, mais avec un matériel bien moins conséquent et non à l'air libre.

    Le virus aperçu au Cambodge et à Taïwan

    Vent de panique à Sihanoukville, au Cambodge, après qu'un internaute a assuré sur Facebook que le virus était arrivé dans la ville. La ministre de la Santé a tenu à rétablir la vérité en intimant ses citoyens à ne pas croire les informations diffusées uniquement sur les réseaux sociaux.

    « Des personnes contaminées par cette nouvelle maladie respiratoire ont été admises dans des hôpitaux de Taïwan et des mesures d'urgence ont été mises en oeuvre », ont avancé plusieurs personnes dont les enregistrements vocaux sont devenus viraux, relate le Taïwan News. Le pays dément formellement ces multiples contaminations et invite ses habitants à faire preuve de prudence quant à ce type d'information. A ce jour, une seule contamination, celle d'une femme d'une cinquantaine d'années arrivée le 20 janvier en provenance de Wuhan, a été recensée dans le pays.

    À noter que sur l'île asiatique, il ne vaut mieux pas s'amuser à propager de fausses informations à propos de ce virus. Selon le quotidien, tout habitant qui s'y risquerait encourt une amende de 3 millions de dollars taïwanais (90 000 euros).

    Une soupe de chauves-souris à l'origine du virus ?

    De nombreux tweets, ainsi que des médias tels que les quotidiens britanniques le Mirror et le Daily Star suggèrent, en exerçant un raccourci, que la soupe de chauves-souris, présenté comme un plat prisé des Chinois de la ville de Wuhan, a pu être à l'origine de la propagation du virus. L'un des journaux parle même de « soupe potentiellement létale ».

    Ils se basent sur l'intervention de scientifiques chinois, publiée dans la revue de l'Académie chinoise des sciences et citée par le China Daily, qui estiment que des chauves-souris ont pu servir de réservoir pour le virus.

    Difficile néanmoins d'incriminer formellement cette soupe, aussi repoussant ce plat puisse-t-il paraître, puisque rien ne prouve que le mammifère a transmis directement le virus à l'homme. Une Chinoise habitant à Wuhan réfute par ailleurs que cette soupe soit un plat régulièrement consommé dans la ville.

    La piste animale est néanmoins au centre des recherches, attestait dès la semaine dernière Jean-Claude Manuguerra, responsable de la cellule d'intervention biologique d'urgence à l'Institut Pasteur, auprès de LCI. En 2002, la civette s'est avérée être à l'origine de l'épidémie de Sras et les marchés de la ville de Wuhan regorgent d'animaux issus d'espèces exotiques. Mais outre la chauve-souris, d'autres animaux sont par ailleurs suspectés : mercredi, un article du Journal of Medical Virology avance que le serpent pourrait avoir servi d'intermédiaire avec l'être humain.