Voile dans le sport : 5 minutes pour comprendre le débat sur son interdiction

L’interdiction du hijab dans les compétitions sportives, enterrée par les députés lors du projet de loi contre les séparatismes et l’islam radical, est à nouveau sur la table. Un collectif de joueuses se bat contre cette décision, déjà en vigueur dans le foot.

Les Hijabeuses, un collectif crée en mai 2020 pour permettre aux filles voilées d'évoluer en compétition, ont manifesté devant le Sénat le 9 février. LP/Antoine Castagné
Les Hijabeuses, un collectif crée en mai 2020 pour permettre aux filles voilées d'évoluer en compétition, ont manifesté devant le Sénat le 9 février. LP/Antoine Castagné

    Comme un air de déjà-vu. Alors que le sujet avait été abordé et tranché l’an dernier lors du projet de loi controversé sur les séparatismes et l’islam radical, la question du port du voile islamique dans le sport a fait un retour fracassant à l’Assemblée nationale. En plein examen d’une proposition de loi sur la démocratisation du sport en France, les sénateurs ont voté un amendement pour étendre l’interdiction du hijab – déjà en vigueur dans le football – à l’ensemble des fédérations.

    Un collectif de joueuses, les Hijabeuses, mène la fronde, soutenu par de nombreuses personnalités. Près de cinquante sportifs internationaux (en activité ou retraités) appellent, ce mercredi, dans une tribune publiée par Libération, à s’opposer cette interdiction. Parmi les signataires : Lilian Thuram, Éric Cantona, Jessica Houara, Vikash Dhorasoo

    Qui sont les Hijabeuses ?

    Ce collectif de sportives a été créé en mai 2020 pour permettre aux filles voilées d’évoluer en compétition. Il est chapeauté par l’association Alliance Citoyenne. « Nous, on veut juste jouer au football, nous ne sommes pas des militantes pro-hijab, juste des passionnées de football, le reste nous dépasse un peu », assure la coprésidente Founé Diawara. Les Hijabeuses s’attaquent à l’article 1 du règlement de la Fédération française de football (FFF) qui stipule que « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale » est banni.

    VIDÉO. Les «Hijabeuses» jouent au foot devant le Sénat

    VidéoLes Hijabeuses jouent au foot devant le Sénat contre l'interdiction du port du voile en compétition

    Pourquoi la FFF s’oppose au port du voile ?

    Alors que l’instance mondiale, la Fifa autorise les joueuses à évoluer en compétition internationale avec leur voile depuis 2012 la FFF fait figure d’exception dans le paysage footballistique. Elle est l’une des seules fédérations à maintenir cette interdiction en Europe. La raison ? Le respect des « principes constitutionnels et législatifs de laïcité qui prévalent dans notre pays et qui figurent dans ses statuts », selon un communiqué diffusé en 2012.

    Que dit la loi ?

    Si la loi française impose la neutralité aux salariés et agents travaillant pour des fédérations délégataires d’un service public, c’est en revanche plus flou pour ses usagers. Selon maître Michel Pautot, docteur en droit et avocat au barreau de Marseille, « aucune norme de droit interne ne restreint la liberté de religion ou de conviction au sein des activités associatives ». Des limites existent si une association constate par exemple du prosélytisme actif, si le voile contrevient à l’hygiène et la sécurité, etc. « L’interdiction que pose la FFF n’est pas justifiée par le bon fonctionnement du service public, elle est justifiée par un principe idéologique d’ordre public sportif et cela va au-delà de loi. La FFF peut réglementer ses compétitions, mais elle ne peut pas décréter un principe de neutralité qui s’appliquerait de manière générale à ses usagers », argue Me Marion Ogier, qui défend les Hijabeuses.

    Pourquoi les parlementaires se saisissent du sujet ?

    Selon l’avocate, c’est son recours déposé en novembre 2021 devant le Conseil d’État qui a fait bouger les sénateurs. « Le parlement a bien compris qu’il y avait un risque d’annulation de cette interdiction », pointe-t-elle. Les sénateurs avaient déjà tenté une première fois, sans succès, de bannir le voile en compétition lors des discussions, l’été dernier, sur le projet de loi contre les séparatismes et l’islam radical.

    Ils ont adopté le 19 janvier, contre l’avis du gouvernement, un amendement proposé par le groupe LR interdisant « le port de signes religieux ostensibles » lors « d’événements sportifs et compétitions sportives organisées par les fédérations sportives » dans le cadre cette fois de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France. Les parlementaires LR s’attaquent, selon eux, au « vide juridique » entourant cette question, indique le sénateur LR Michel Savin, en pointe dans ce combat.



    Du côté du ministère des Sports, on déplore « l’instrumentalisation » de la loi Sport en débat. « En première lecture en mars 2021, jamais ce sujet de la neutralité n’a été abordé par les parlementaires. Il intervient dans un contexte de campagne alors qu’il a été débattu et tranché il y a 6 mois par le Parlement lui-même », indique-t-on.

    Si la ministre des Sports Roxana Maracineanu n’a pas exprimé de position claire sur le sujet, son homologue déléguée à l’Égalité femmes-hommes, Elisabeth Moreno, a tranché. « La loi dit que ces jeunes filles peuvent porter le voile et jouer au foot. Sur les terrains de foot aujourd’hui, il n’est pas interdit de porter le voile. Je veux qu’on respecte la loi », a-t-elle déclaré sur LCI ce mercredi. Le débat sera tranché par les députés eux-mêmes après un retour au Sénat le 16 février.