Violences dans les stades : une réunion lundi au ministère des Sports pour sortir de l’impasse

Alors que 5 rencontres de L1 et de L2 sont concernées par des interdictions de déplacement de supporters ce weekend, la Ministre des Sports organise une réunion lundi pour trouver des solutions face aux violences.

Les supporters de Lorient ne pourront pas se déplacer à Brest le 20 décembre prochain. (LOIC VENANCE / AFP)
Les supporters de Lorient ne pourront pas se déplacer à Brest le 20 décembre prochain. (LOIC VENANCE / AFP)

    Les week-ends commencent à se suivre et à se ressembler pour les amateurs de football français. Depuis le décès d’un membre de la Tribune Loire, en marge du match Nantes-Nice au début du mois, le gouvernement a haussé le ton au sujet des supporters en interdisant cinq nouveaux déplacements, pour les rencontres de Ligue 1 et de Ligue 2 comptant pour la 19e journée : Angers-Guingamp le 19 décembre à 20 h 45, Montpellier-OM, Brest-Lorient, Nice-Nantes et OL-Nantes le 20 décembre à 21 heures.

    Ces rencontres, qui ne concernent pas le PSG, ont été jugées à « risques » à cause des « relations empreintes d’animosité » entre supporters : « Il « existe un risque réel et sérieux d’affrontements » informe l’arrêté.

    Il n’en fallait pas plus pour faire bouger l’INS. L’instance nationale du supporterisme se réunira lundi sous l’égide de la ministre des Sports, avec comme objectif de juguler les violences qui gangrènent le football français. Si aucune décision n’est attendue lundi, cette séance plénière, à 10h30 au ministère des Sports, doit permettre de reprendre le dialogue et à la ministre Amélie Oudéa-Castéra de préciser son projet.

    Depuis la mort début décembre d’un supporter à Nantes, le gouvernement a décidé de resserrer la vis avec de multiples interdictions de déplacements de supporters. Une politique d’urgence confrontée aux décisions du Conseil d’Etat, qui a suspendu plusieurs arrêtés ministériels et préfectoraux d’interdiction, dont celui du match entre Lille et le PSG dimanche (20h45), soulevant « une atteinte grave et manifestement disproportionnée aux libertés fondamentales ».

    « Pour l’instant on réprime mais on ne réprime pas efficacement »

    « Il faut construire une architecture globale pour s’attaquer efficacement au problème, parce que pour l’instant on réprime mais on ne réprime pas efficacement », souligne auprès de l’AFP le sociologue Nicolas Hourcade, spécialiste du supporterisme et membre de l’INS.

    Contrairement à l’Angleterre ou l’Allemagne qui ont réussi à contenir les violences depuis les années 1990, « la difficulté qu’a la France c’est de ne pas avoir une ligne directrice claire, d’être incapable d’identifier les individus violents et de les écarter durablement des stades », continue-t-il.

    Une source gouvernementale explique que le projet est d’organiser, début janvier, « un moratoire à l’initiative de la Ligue et des clubs, dans le cadre d’un plan d’action plus vaste et avec pour objectif de prendre de nouvelles mesures collectivement pour l’avenir ».

    Mais « pour l’instant ça reste un peu flou », regrette Nicolas Hourcade, selon qui la France est « tiraillée entre la tolérance zéro (...) et une autre articulation entre répression et prévention ». La France s’est focalisée ces dernières années sur l’interdiction collective et beaucoup moins sur les interdictions individuelles: on compte en France seulement 218 interdits de stade (en juillet 2023) contre quelque 1.600 en Angleterre et 1.300 en Allemagne.

    Cette semaine, en interdisant lundi sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin le déplacement des supporters de Séville à Lens avant de voir le Conseil d’Etat suspendre l’arrêté à quelques heures du match mardi, « la France s’est ridiculisée, estime Nicolas Hourcarde. Et il ne faut pas oublier que l’on s’est complétement planté sur la finale de Ligue des champions 2022 au Stade de France, toute l’Europe le sait, on a perdu en crédibilité » avant les Jeux olympiques, poursuit-il.

    Du côté des supporters, « tous les groupes qui sont représentés au sein de l’INS pensent que l’interdiction systématique des déplacements est une hérésie, une privation des libertés », souligne pour l’AFP Jean-Guy Riou, président de l’Union des supporters stéphanois (USS). Membre actif de l’INS, Jean-Guy Riou « préconise un encadrement des supporters, et non l’interdiction ». Il regrette la « perte d’un savoir-faire d’encadrement » par des « forces de l’ordre épuisées ».

    Les supporters demandent aussi la « mise à jour des données » relatives aux amitiés et inimitiés entre ultras ainsi que la création d’un « préfet coordonnateur » au sein de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme, pour qu’il puisse donner « des instructions et non plus des recommandations aux préfets ». « Il n’y a pas de solutions miraculeuses, mais elles sont connues », estime de son côté Mathieu Zagrodzki. « D’abord un travail d’enquêtes permettant d’identifier, d’interpeller et de sanctionner individuellement (...) ensuite avoir un travail de dialogue et de pédagogie avec les ultras ». Et de relativiser : « Il ne faut pas amplifier la chose par rapport à ce qu’elle représente d’un point de vue statistique, les stades français ne sont pas des coupe-gorges ».