Affaire Adama Traoré : une dixième expertise médicale demandée par la justice

Les juges d’instruction viennent de demander une nouvelle expertise pour tenter de déterminer les causes de la mort de ce jeune homme de 24 ans survenue en 2016 au sein de la gendarmerie de Persan.

Adama Traoré est mort lors de son interpellation en 2016 à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise). DR.
Adama Traoré est mort lors de son interpellation en 2016 à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise). DR.

    Verra-t-on un jour la fin de l’instruction concernant la mort d’Adama Traoré ? L’enquête concernant ce jeune homme de 24 ans décédé en juillet 2016 au sein de la gendarmerie de Persan après son interpellation à Beaumont-sur-Oise par les gendarmes, vient de connaître un nouveau rebondissement. Les juges viennent de demander une nouvelle expertise médicale, la dixième. Quatre experts belges avaient été sollicités pour rendre un complément à l’expertise judiciaire qu’ils avaient rendu en janvier dernier. Ils auraient dû rendre leurs conclusions fin août, sauf que l’un d’entre eux est décédé entre-temps. Les juges viennent donc de nommer un autre médecin belge pour le remplacer. Leur rapport est attendu d’ici au 15 février… 2021 !

    Les juges semblent en effet s’être trompés dans l’ordonnance de commission d’expert rédigée mardi. « Soit il s’agit d’une erreur grossière ce qui semble peu probable, soit il s’agit d’une erreur volontaire pour que l’expertise soit annulée et faire encore perdre du temps à la justice, réagit Me Yassine Bouzrou, avocat de la famille Traoré, qui considère qu’il n’était pas nécessaire de faire appel à un quatrième expert. Dans les deux cas, c’est inadmissible que cette juge continue de traiter ce dossier. » Il annonce qu’il va demander à nouveau sa récusation.

    Les experts belges mettaient en cause la responsabilité des gendarmes

    Les juges avaient mandaté les experts belges pour tenter d’apporter une réponse définitive quant à l’origine du décès d’Adama Traoré. Les expertises judiciaires rendues au départ écartaient la responsabilité des gendarmes et concluaient que la mort était due à ses pathologies (un trait drépanocytaire et une sarcoïdose pulmonaire), par l’effort produit au cours de sa fuite et par la chaleur. La famille du défunt avait alors sollicité à plusieurs reprises des médecins qui avaient battu en brèche ces expertises, la mort ayant été provoquée selon eux par le plaquage ventral des gendarmes.

    Les experts belges ont estimé en janvier que le décès était dû à un « coup de chaleur », en raison de la canicule, qui n’aurait toutefois « probablement » pas été mortel sans son interpellation sous le poids des trois gendarmes. Mais après ça de nouveaux éléments sont parvenus aux juges. Les enquêteurs ont entendu en mars un homme dont le témoignage était souhaité depuis le début. Il s’était interposé au moment où les gendarmes tentaient une première fois d’interpeller Adama Traoré. Il l’avait alors trouvé essoufflé. « C’est comme si son corps ne réagissait pas. […] Pour moi, il était dans un état qui n’est pas habituel, il ne parlait pas », a raconté ce témoin, qui avait également trouvé le gendarme essoufflé.

    Le dossier médical d’Adama Traoré dans les mains des enquêteurs

    Les enquêteurs ont également mis la main sur le dossier médical d’Adama Traoré par la médecine du travail lors de son embauche par une association d’insertion en 2014. Son contenu n’a pas été révélé pour le moment. Ils ont aussi pu interroger une ancienne conseillère de Pôle emploi qui avait été informée de problèmes d’essoufflement d’Adama Traoré. C’est ce qui aurait justifié son changement d’affectation.

    « Le complément d’expertise, qui doit être rendu en février 2022, découle directement des éléments nouveaux révélés suite à des demandes d’investigation de la famille Traoré, assure de son côté Rodolphe Bosselut, l’avocat des deux gendarmes. Je trouve surprenant que les parties civiles fassent grief à la justice de retarder sa décision alors qu’elles sont à l’origine des derniers rebondissements. »

    Les juges ont transmis ces éléments aux experts belges afin qu’ils déterminent s’ils sont de nature à changer les conclusions qu’ils avaient remises en janvier. La réponse est donc attendue pour le 15 février au plus tard.