Seize ans après la mort de Jean-Marie, le procès tant attendu à Créteil

Djelloul B. comparaît devant la cour d’assises jusqu’à ce vendredi pour «assassinat» après une cavale de 15 ans. Les proches de Jean-Marie Soumah sont présents.

    Le temps n'efface rien. En tout cas pas pour les proches de Jean-Marie Soumah, tué par balle à 20 ans à Créteil le 25 octobre 2003. Djelloul B. interpellé en Espagne l'an dernier après s'être caché pendant 15 ans est jugé depuis ce vendredi pour assassinat devant la cour d'assises du Val-de-Marne.

    Ou plutôt rejugé : il a été condamné en 2016 en son absence à 18 ans de prison, son frère Djimi à deux ans de prison ferme. Les parents, le frère et les sœurs de Jean-Marie assistent à ce procès dont le verdict est attendu vendredi, 17 ans jour pour jour après son décès.

    Touché d'une balle dans la poitrine

    Le 28 octobre 2003, Djelloul B. se fait appeler Patrice Martin chez le médecin qu'il consulte pour une blessure par balle à la jambe. Dans le box, cet homme aux cheveux ras qui parle bas est repris souvent par la présidente qui l'encourage à « parler franchement ». Il explique avoir pris cet autre nom, sur les conseils de la « personne » qui l'a hébergé au moment de sa fuite.

    Il voulait partir au plus vite de la petite cité des Bordières où une fusillade avait laissé deux hommes à terre. L'un est blessé : c'est Cédric, condamné lui aussi en 2016 à six mois de prison pour port d'arme. Poursuivi pour avoir tiré sur Dejlloul B, il avait été acquitté. La cour ayant jugé qu'il avait agi en légitime défense. L'autre décède : c'est Jean-Marie, touché d'une balle dans la poitrine alors qu'il se rendait à un anniversaire, tombant dans ce qui ressemblait à un guet-apens.

    Des scellés détruits

    Ce lundi, l'audition du légiste a fait sortir de la salle sa mère, Joséphine Soumah. Une épreuve de plus. Le tir qui l'a atteint n'a pas pu « partir tout seul », résume l'expert en balistique de l'époque, aujourd'hui à la retraite. Difficile de tout se remémorer. Ce dont il est sûr, c'est que pour tirer avec le revolver 357 magnum utilisé, il faut un « appui réel ». Cette arme, les jurés ne la verront pas : elle a été détruite en juin dernier, comme d'autres scellés de ce dossier.

    A cause du temps qui a passé ? Pas seulement. C'est une « erreur fort regrettable », a expliqué l'avocate générale, face à la colère noire des avocats de l'accusé. L'autorisation de destruction a été donnée suite au premier procès, mais alors que Djelloul B. était déjà incarcéré… « On va leur montrer quoi aux jurés ? s'est emporté un avocat. Des photos en noir et blanc ? » Des armes similaires devraient être présentées.

    Une arme, « jamais » la petite amie de Jean-Marie à l'époque ne l'a vu en détenir. À 34 ans, cette jeune cheffe d'entreprise a raconté comment elle avait rencontré Jean-Marie au collège à Saint-Maurice. « Ici, on se focalise sur le moment de sa mort. On oublie qui il était ». Et de décrire un homme « solaire » qui a été « important dans » sa « construction ».

    Il était, dit-elle, un « juge de paix », de ceux qui veulent « démêler les nœuds » dans un quartier. Et c'est d'après elle ce qui a causé la mort de cet homme qu'elle a connu de 1998 à 2003. « Pour mes 18 ans il m'avait offert une bague, raconte la trentenaire, et pour mes 19 ans je l'enterrais ». Dans ce dossier « on a parlé de stupéfiants, d'armes qui circulent, lui lance la présidente. C'est quelqu'un qui peut avoir un rapport avec ça? ». « Pas du tout », répond Alice, en précisant ne pas être « naïve ». « Ce n'était pas son univers ».

    « Je me suis fait tirer dessus, j'avais peur »

    Djelloul B. non plus, d'après son récit, puisqu'il a voulu « porter plainte » après la soirée du 25 octobre. Ce qu'il n'a finalement pas fait. « Pourquoi vous ne réapparaissez pas pour vous expliquer ? », interroge la magistrate. « J'avais peur, affirme l'accusé. Je me suis fait tirer dessus, j'ai eu peur que ça se reproduise ». La « peur » lui fait prendre un car à Paris-Bercy pour l'Espagne.

    Quinze années et cinq enfants plus tard, il est interpellé. Les policiers du SDPJ 94 qui ont eu un tuyau avaient placé la femme de Djelloul B. qui vit en France avec leurs enfants sous surveillance. Elle les mène sans le savoir au sud de Valence, dans une villa avec piscine où cet homme qui travaille dans le bâtiment faisait « de l'entretien » pour le propriétaire, comme il l'a raconté. Il vivait « en colocation », utilisait trois identités.

    La présidente relève à son casier une condamnation à quatre mois de prison en juin 2003 pour « violences ». Cela n'a rien à voir, mais Jean-Marie a été tué trois mois après. Le tribunal n'en saura pas plus. « C'était il y a longtemps, balaie Djelloul B. Je n'en ai pas le souvenir ». Il y a trois ans au procès, « il ne manquait que lui », confie ce lundi Joséphine Soumah. Pour cette famille, le temps n'efface rien. « Ils auront beau tout décrire, explique le petit frère, Jean-Marie n'est plus là. »

    LP/F.D et DR.
    LP/F.D et DR.