Horaires, carrière, responsabilités… Ce que veulent les jeunes en matière d’emploi

Un sondage OpinionWay réalisé pour Le Parisien Économie et Indeed bat en brèche certaines idées reçues sur les attentes des jeunes quant à leur avenir professionnel. En voici les principaux enseignements.

La crise du Covid a donné à 74% des actifs de 18-30 ans l'envie d’opérer des changements dans leur carrière. Istock
La crise du Covid a donné à 74% des actifs de 18-30 ans l'envie d’opérer des changements dans leur carrière. Istock

    La crise du Covid n’a pas encore fini de produire tous ses effets. En particulier auprès des jeunes générations. Mais après deux ans de pandémie, peut-on déjà mesurer des conséquences concrètes sur les aspirations professionnelles des 18-30 ans ? Un sondage réalisé par OpinionWay pour le Parisien Économie et le site de recherche d’emploi Indeed, que nous dévoilons en exclusivité, permet d’avoir quelques pistes de réponse.

    Effectuée en ligne du 29 août au 2 septembre, auprès de 1 051 jeunes, l’enquête confirme un premier bouleversement : 74 % des jeunes actifs de cette tranche d’âge reconnaissent que la crise leur a donné envie d’opérer des changements dans leur carrière. Et à plus long terme ? L’étude bat en brèche certaines idées reçues.

    1. Le salaire d’abord

    Qu’ils travaillent ou non, 80 % des jeunes jugent « important », voire « prioritaire », qu’une entreprise affiche des engagements environnementaux et sociétaux forts. Mais à la question « Quels critères vérifiez-vous d’abord avant de rejoindre une entreprise ? », actifs ou non, ils répondent de façon très pragmatique : la rémunération qui reste pour une grande majorité (59 %) le plus important.

    « Que ce soit le premier élément, celui qu’ils vérifient en priorité, c’est classique. La fonction première d’un emploi reste de gagner sa vie, commente Frédéric Micheau, directeur général adjoint d’OpinionWay. Et c’est sans doute renforcé dans le contexte inflationniste actuel ». Au moment d’entrer dans la vie active, les jeunes attendent des actions concrètes en faveur de leurs conditions de travail, plus que des garanties sur l’éthique de l’entreprise : les engagements que celle-ci affiche en matière d’environnement ou d’égalité hommes-femmes, par exemple, arrivent en dernière position.

    2. Un agenda flexible

    C’est un constat sans doute accentué par le développement du télétravail : les jeunes ne sont plus séduits par les horaires fixes. « Ils ne comprennent plus qu’on leur dise : tu dois être présent de telle heure à telle heure, à partir du moment où ils remplissent leurs objectifs », résume Éric Gras, spécialiste du marché de l’emploi chez Indeed. S’ils pouvaient choisir, les jeunes préféreraient à 53 % avoir « un métier sans horaires établis », c’est-à-dire pouvoir travailler sur les créneaux qu’ils souhaitent, « quitte à devoir parfois le faire très tôt le matin ou très tard le soir ». « Ce n’était absolument pas le cas il y a 15 ans », analyse Frédéric Micheau. Il ajoute que ce sont « les femmes et les plus diplômés qui sont les plus à l’aise avec ces horaires souples ».

    La flexibilité se retrouve dans la propension à travailler le week-end. Loin d’être réfractaires à cette idée, 72 % des 18-30 ans se disent disposés à travailler le samedi ou le dimanche s’ils peuvent placer un ou deux jours de repos dans la semaine. « Cela diminue avec l’âge, puisque 62 % des 28-30 ans y sont prêts, contre 79 % des 18-22 ans et 80 % des étudiants. Mais c’est le signe d’un vrai changement de mentalité alors que le travail du dimanche a longtemps fait l’objet de débats et de polémiques », souligne Frédéric Micheau.

    3. Une carrière mouvante…

    De manière générale, les jeunes confirment leur attrait pour une carrière moins conventionnelle que celles de leurs aînés. À 53 %, ils imaginent qu’elle se fera dans différentes entreprises, que ce soit pour exercer différents emplois (27 %), ou le même (26 %). Par ailleurs, ils sont nombreux à envisager de varier les expériences, avec un CDI à mi-temps (44 %), ou en « slashing » (29 %) pour cumuler deux emplois.

    Autant d’aspirations qui témoignent d’une évolution dans le rapport entretenu à l’entreprise : « Avant, la sécurité était associée au fait d’avoir un contrat de travail protecteur. Aujourd’hui, du point de vue des jeunes, elle consiste peut-être à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier », analyse Frédéric Micheau. Contrairement à leurs aînés qui avaient des horaires définis et un parcours plus linéaire, « ils veulent du sur-mesure dans leurs itinéraires de carrière ». D’ailleurs, le fait de faire une pause pour voyager, se consacrer à sa vie de famille ou se former à un autre métier n’est plus tabou pour 91 % d’entre eux.

    4. Mais un besoin de stabilité

    S’ils sont nombreux à se projeter dans une carrière mouvante et l’idée qu’ils auront plusieurs employeurs au cours de leur vie, les jeunes n’expriment pas pour autant un besoin absolu de papillonner en matière d’emploi. Interrogés sur leurs préférences en termes de carrière, ils sont 45 % à envisager de rester toute leur vie dans la même entreprise, que ce soit pour exercer le même emploi (23 %) ou différents métiers (22 %) ! Même si une partie des interrogés classent cette possibilité dans la catégorie des « pratiques dépassées », « certains restent adeptes du modèle traditionnel, qui consiste à tracer son sillon et rester fidèle à la même entreprise toute sa vie s’ils s’y sentent bien », plaide Frédéric Micheau.

    Dans ce contexte, le CDI reste le Graal. Sans aller jusqu’à faire des plans de carrière à 20 ans, les jeunes « cherchent une entreprise dans laquelle se projeter à 3 ou 5 années, pour se poser, faire leurs preuves, apprendre et évoluer, ajoute Éric Gras chez Indeed. Ils ont besoin d’un cadre, d’être rassurés. »

    5. Une préférence pour les petites entreprises

    Pour une majorité de jeunes, le cadre idéal est une PME (17 %) ou une TPE (11 %). Des entreprises de moins de 250 salariés à taille humaine, « où ils peuvent être reconnus en tant qu’individus et pas comme un matricule lambda », confirme le spécialiste du marché de l’emploi pour Indeed France. Les grandes entreprises, qui véhiculent une image rassurante, restent plébiscitées (16 %). Mais 18 % expriment aussi la volonté d’être leur propre patron. Un constat que l’on retrouve lorsqu’on les interroge sur leur statut de travail privilégié : alors que 49 % envisagent « le salariat uniquement », plus de la moitié (51 %) projette un jour de se mettre à son compte, au moins en partie.

    « C’est une tendance de fond pour beaucoup de jeunes qui ne se reconnaissent pas dans l’entreprise. Mais ce n’est pas valable pour tous les métiers », nuance Éric Gras. Et bien que cette volonté soit exprimée depuis plusieurs années, sur le long terme, « beaucoup en reviennent car ils ont besoin d’un cadre et de collègues », nuance-t-il.

    6. Prêts à prendre des responsabilités

    L’importance qu’ils accordent à leur vie privée pourrait laisser croire qu’ils souhaiteraient éviter les responsabilités managériales. Il n’en est rien. Le fait de progresser dans la hiérarchie est une option toujours envisagée par 75 % des sondés qui la considèrent comme une « source d’épanouissement ».

    À l’inverse, 24 % y voient « des contraintes » et ne sont pas intéressés. À noter que cette deuxième catégorie augmente avec l’âge : 32 % des 28-30 ans sont réfractaires au fait d’encadrer une équipe. Mais globalement, « la prise de responsabilités est une forme de reconnaissance de ses compétences et un moyen de voir évoluer son salaire. Elle reste perçue comme une évolution naturelle en entreprise », assure Éric Gras.