Yvelines : malgré quatre ans de CDD, Mohamed n’a pas droit au chômage

Privé d’allocations lorsqu’il était au chômage, ce jeune doctorant tunisien se bat pour que Pôle emploi autorise tous les étudiants étrangers à s’inscrire en tant que demandeur d’emploi.

Versailles, jeudi 17 juin 2021:  Alors qu'il a multiplié les CDD pendant quatre ans, Mohamed n'a pas la possibilité de s'inscrire à Pôle emploi en raison de sa carte de séjour.
Versailles, jeudi 17 juin 2021: Alors qu'il a multiplié les CDD pendant quatre ans, Mohamed n'a pas la possibilité de s'inscrire à Pôle emploi en raison de sa carte de séjour.

    Mohamed a effectué quatre CDD successifs pendant quatre ans en tant que professeur dans un lycée. Mais le jeune homme de 32 ans a été dans l’impossibilité de s’inscrire au chômage lorsque son dernier contrat n’a pas été renouvelé en août 2020. « Pôle emploi m’a simplement refusé, indiquant que ma carte de séjour ne me permettait pas d’être sur leur liste », explique Mohamed.

    « Je cotise pour quelque chose auquel je n’ai pas droit »

    Bien qu’elle l’autorise à travailler, sa carte de séjour ne lui permet pas de s’inscrire et donc de recevoir des indemnisations. « C’est complètement absurde car ça signifie que je cotise pour quelque chose auquel je n’ai pas droit. »

    Arrivé en France en 2010 pour suivre une licence en lettres modernes à Besançon (Doubs), Mohamed qui habite à Poissy, en est à sa quatrième année de thèse. À côté, il a travaillé quatre ans dans plusieurs établissements, notamment dans un lycée de Beauvais (Oise) où il était « à la fois prof de français, d’histoire et de philosophie ».

    Aujourd’hui enseignant dans un lycée à Bailly, il devrait soutenir sa thèse l’an prochain. « Même si j’ai retrouvé un travail, c’est une question de principe, cette injustice perdure depuis longtemps et il faut que ça s’arrête. »

    « En dehors des radars »

    Car pendant les trois mois où il n’a pas d’emploi, Mohamed s’est retrouvé en situation de « précarité extrême ». « C’était en pleine épidémie, heureusement que ma sœur m’a aidé. » Aussi, puisqu’il n’était pas considéré comme chômeur, le jeune homme n’avait droit à aucune réduction, « je payais par exemple mon pass Navigo au même prix que les autres, j’étais complètement en dehors des radars ».

    C’est à ce moment-là qu’il contacte la CGT, venue le soutenir jeudi dernier devant le tribunal administratif de Versailles, à l’appel du collectif Migrants CGT 78.

    « Ce n’est pas la première fois dans les Yvelines que Pôle emploi refuse l’inscription d’une personne pour des motifs liés à sa carte de séjour », indique Sonia Porot de la CGT 78.

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    Pour l’avocate de Mohamed, Maître Émilie Videcoq, cette règle établit une discrimination pour les doctorants étrangers. « À partir du moment où on est autorisé à travailler on doit avoir droit à l’assurance chômage. » Plusieurs tribunaux auraient déjà été saisis de la question mais à chaque fois « ils bottent en touche considérant que Pôle emploi respecte la loi mais que le décret en question devrait être changé ».

    Versailles, jeudi 17 juin 2021. Une cinquantaine de personnes est venue soutenir Mohamed (à gauche en chemise à carreaux), devant le tribunal administratif, à l’appel du collectif Migrants CGT 78.
    Versailles, jeudi 17 juin 2021. Une cinquantaine de personnes est venue soutenir Mohamed (à gauche en chemise à carreaux), devant le tribunal administratif, à l’appel du collectif Migrants CGT 78.

    La question pointée dans un rapport parlementaire

    Le cas de son client n’est pas isolé, « le défenseur des droits s’est déjà prononcé à plusieurs reprises pour modifier cette liste de Pôle emploi ». En outre, les députés (LREM) Jean-Noël Barrot et Stella Dupont pointent cette problématique chez les demandeurs d’asile dans un rapport publié en 2020.

    Ils indiquent en effet que « les demandeurs d’asile (…) ne sont pas autorisés à percevoir une allocation d’aide au retour à l’emploi même s’ils ont suffisamment cotisé pour cela. (…) Un demandeur d’asile autorisé à travailler cotise ainsi à fonds perdu auprès de l’assurance chômage. »

    Alors qu’il prépare sa soutenance pour l’an prochain, Mohamed veut tenter sa chance ici. « L’objectif est de trouver un poste en France, sinon je retournerai en Tunisie. » Le jugement du tribunal administratif sera rendu d’ici une semaine.