Yvelines : «Plus je me débattais, plus les chiens me mordaient»

La jeune aide-soignante, très grièvement blessée la semaine dernière par une meute de six chiens dans les Yvelines, souhaite susciter une prise de conscience sur la dangerosité potentielle des chiens.

 Une semaine après avoir été attaquée par une meute de chiens à Saint-Rémy-l’Honoré (Yvelines), la jeune femme s’apprête à subir une première greffe à l’hôpital Saint-Antoine à Paris (XIIe).
Une semaine après avoir été attaquée par une meute de chiens à Saint-Rémy-l’Honoré (Yvelines), la jeune femme s’apprête à subir une première greffe à l’hôpital Saint-Antoine à Paris (XIIe). LP/Aurélie Foulon

    Chaque nuit, le cauchemar d'Inès* ressurgit. « Pas les images, mais les sensations, je ressens les morsures comme si je les revivais. » Une semaine après avoir été attaquée par une meute de six molosses, à Saint-Rémy-l'Honoré, la jeune aide soignante de 21 ans tente de se remettre de ses blessures à l'hôpital Saint-Antoine à Paris (XIIe). Une convalescence qui passe aussi par son souhait de prendre la parole, en faisant toujours l'effort de retenir ses sanglots.

    Votre état a inspiré beaucoup d'inquiétude, comment allez-vous aujourd'hui ?

    « Je ne peux pas dire que je vais bien. Je n'ai encore rien vu de la vie et je suis blessée partout : les bras, la main cassée, les plaies au visage, un trou dans un muscle du bras, la hanche, les jambes… Plus de 300 points de suture. J'ai eu mon bac « accompagnement soins et services à la personne » en 2016 et là maintenant, j'ai raté ma vie. Je n'ai plus qu'à attendre que mes cicatrices passent mais ça ne partira pas en un claquement de doigts. »

    Vous souvenez-vous de ce qu'il s'est passé mardi dernier ?

    Je me souviens de tout, malheureusement. Je devais me rendre chez un client, j'étais au téléphone avec ma responsable parce que je ne trouvais pas la maison avec un portail blanc. Et j'ai vu celui-ci. J'y suis allée, j'ai marché un peu et j'ai vu le monsieur. Je lui ai demandé si c'était là et les chiens sont arrivés. Il a vu qu'ils étaient agressifs et m'a dit « ne bougez pas ». Ils ont commencé à me mordre les jambes et avec la douleur, je suis tombée. Il criait, les tapait avec sa chaussure, avec sa canne et plus je me débattais, plus ils me mordaient. Il aurait fallu que je me laisse faire. La dame est venue, elle s'est mise sur moi pour me protéger. »

    Comment ça s'est arrêté ?

    J'entendais flou mais des gens ont jeté des cailloux pour les éloigner. Des gros, j'en ai reçus aussi. Et les gendarmes sont arrivés. Il restait un seul chien sur moi, qui me tenait par le crâne. Et il m'a lâchée. La propriétaire tenait le chien et m'a dit « Je n'ai vraiment plus de force, si vous arrivez à vous lever, éloignez-vous ». J'ai monté quatre marches et je suis tombée sur mes pieds, puis j'ai rampé et j'ai vu la clôture à l'arrière. En passant par-dessus, le grillage m'est rentré à l'intérieur et le gendarme m'a tiré par-dessus.

    Quel message voulez-vous faire passer ?

    De la prévention. Que les propriétaires de chiens se rendent bien compte du danger quand ils ne sont pas en capacité de les maîtriser. Ça peut arriver à n'importe qui. Je ne l'accepte pas et je ne l'accepterai jamais. Les filles de 21 ans sont dehors en ce moment, et moi je suis là, à attendre. Une greffe pour reconstruire le triceps jeudi, une autre pour l'oreille amputée de moitié le mois prochain. 21 ans, 22, 23, 24… Un nouveau visage, un nouveau corps…

    * le prénom de la jeune fille, qui souhaite préserver son anonymat, a été modifié.

    SON AVOCATE VA DÉPOSER PLAINTE

    Certes, Inès est entrée dans une propriété privée, par erreur. Mais pour son avocate, Aïcha Ouzar, qui s'étonne que les chiens aient été « laissés à leurs propriétaires les trois jours suivant les faits », la responsabilité du propriétaire est engagée. « Le fils d'une quarantaine d'années aurait confié les six molosses à ses parents, des sexagénaires qui n'étaient pas en capacité de retenir la meute même s'ils ont fait ce qu'ils ont pu », souligne-t-elle. Elle relève aussi que le « portail n'était pas verrouillé, un enfant aurait pu aller y chercher un ballon égaré et les chiens ont déjà sauté la clôture ».

    L'avocat « espère que l'enquête fera la lumière sur la détention de ces chiens puisqu'on nous parle de dogue argentin puis de bouledogues américains ». Elle attend donc les résultats de l'étude comportementale menée sur la moitié de la meute, qui n'aurait finalement pas été euthanasiée, pour en connaître la race avec certitude et savoir si ces chiens sont soumis à la loi sur les chiens de garde et de défense, et donc soumis à des obligations. « Pourquoi avoir six chiens aussi dangereux?, s'interroge-t-elle. C'est malheureux qu'il ait fallu attendre quelque chose d'aussi grave pour que le propriétaire réfléchisse à s'en séparer. »