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Citizen Rassam, le dernier grand nabab parisien

Citizen Rassam, le dernier grand nabab parisien

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Pour ne pas finir noyé sous le tsunami littéraire de la rentrée, "Marianne" vous propose une sélection estivale en 10 coups de cœur, dix œuvres à découvrir d'urgence. Quatrième livre : "Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive" de Christophe Donner.

«Il n'y a pas d'embouteillages dans les films, pas de temps morts, disait Truffaut dans la Nuit américaine. Les films avancent comme des trains dans la nuit. » Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive, de Christophe Donner, adopte justement ce point de vue pour raconter les coulisses du cinéma français des années 60-70. Le titre est une citation d'Orson Welles pour répondre ironiquement au découragement de ceux qui n'étaient encore à l'époque que de jeunes professionnels de la profession.
Jean-Pierre Rassam, lui, n'a pas cru Orson Welles. Ou a pris la citation au pied de la lettre : il a cherché ce qui est arrivé. Christophe Donner suit, stylo à l'épaule, ce personnage incontournable de l'époque, producteur au verbe d'auteur et à l'intelligence en Cinémascope, buveur et joueur invétéré : il a cru en Pialat l'aigri, manipulé Claude Berri, s'est gavé grâce à la Grande Bouffe, eut l'audace de prendre Jean Yanne au sérieux et de parier que Godard pouvait faire du cinéma populaire.
Cet homme qui aimait les femmes, surtout celles des autres, fit du septième art une fête perpétuelle dans une salle de casino. Si les nuits au cinéma sont américaines quand elles sont artificielles, les bonheurs étaient souvent artificiels dans les soirées parisiennes de ces années-là où l'on croyait inventer le cinéma. Christophe Donner raconte cette période comme Jean-Pierre Rassam l'a vécue : son écriture flambe, assassine, enchaîne pour ne jamais perdre de vue ce dernier grand nabab parisien titubant vers sa déchéance. Sa vie fut son meilleur film mais aussi un échec commercial. Quiconque exerce le métier stupide de critique littéraire mérite ce qui lui arrive parfois : découvrir un livre qui l'enchante de la première à la dernière page.
Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive de Christophe Donner, Grasset, 299 p., 19 €.

>>> Article paru dans Marianne daté du 8 août

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne