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Elles chantent le blues

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Elles chantent le blues

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"Sans les femmes, le blues n'existerait pas." John Lee Hooker, figure tutélaire du blues noir américain, avait mille fois raison. Mais l'histoire lui a donné tort. Certes, au niveau des thèmes abordés (les amours contrariées, les addictions, le racisme) par cette musique du Deep South américain, les femmes étaient le sujet de tous les mots. Mais, derrière le micro, les hommes ont éclipsé ces femmes qui ont, elles aussi, façonné de leur chair cette musique du diable. Car, dès les années 30, les paroles et les attitudes des chanteuses montraient des désirs d'émancipation, en complète rupture avec le modèle dominant de la mère, ciment de la famille noire. Bessie Smith, "l'impératrice", Ida Cox, la "reine sans couronne", ou Gertrude Ma Rainey, "la mère", outre leur puissance dramatique et leur voix déchirante, se sont directement adressées à leurs soeurs, les poussant à s'affranchir de leurs pères, frères et maris, et faisant de leur vie un exemple. Et leur style n'avait rien à envier à ceux des bluesmen vedettes de l'époque : Robert Johnson, Leadbelly ou T-Bone Walker. C'est dans cette optique que l'indispensable Tim Duffy, jeune Blanc fou de blues et patron de Music Maker Relief Foundation, traque, depuis vingt ans, les survivants de ce blues des origines. Parrainée par Taj Mahal, Music Maker enregistre, vient en aide aux vieux blues-men de ce Sud américain submergé par l'ouragan Katrina et l'inconsistance de l'administration Bush, mais aussi préserve ce concentré de mémoire sur le point de se dissoudre. Quatrième volet de ses recherches, Sisters Of South révèle 14 artistes inédites, dont certaines sont de vénérables octogénaires toujours mordantes. Ces blueswomen qui n'avaient pour toute scène que l'église et le bar du coin prennent enfin leur revanche et perpétuent l'héritage de leurs aînées disparues. Car, comme le dit Tim Duffy, historien de la mémoire du vivant : "Le blues est un état d'esprit, il ne peut mourir.".Myriam Perfetti

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne