Les Petits de Frédérique Clémençon sont nés sur un air de polémique mais grandiront grâce à leur réputation. Titre anodin, d'une banalité réfléchie et assumée, les Petits font donc des petits pour ce début d'année puisque Christine Angot a aussi jeté son dévolu sur ce titre. Chez Frédérique Clémençon il s'agit de nouvelles sur l'enfance, mais la douceur du titre et la bienveillance condescendante qu'il insinue sont contredites d'emblée par l'écriture : les Petits est une expression gorgée d'ironie qui suggère la protection mais décrit l'abandon. On ne naît pas mère, on le devient ; mais que se passe-t-il quand on ne le devient pas ? Quand les femmes renoncent à ce sentiment maternel si couramment partagé et si socialement encouragé ? Quand les pères ne sont plus des repères ? Et que se passe-t-il quand les enfants doivent se débrouiller sans eux ? Dans la première nouvelle, le Bannissement de Jean, un père divorcé emmène ses enfants au bord de la mer pour tenter de reconquérir son statut passablement écorné par sa belle-famille. Mais de cette légèreté mise en scène, de cette insouciance mal maîtrisée naîtra la tragédie. En quelques nouvelles, l'auteur évoque l'enfance délaissée par des adultes incapables de voir le danger qui guette leurs petits. Le style de Clémençon, superbe de maîtrise, est tout en violence contenue ; la phrase se déroule, ample, pour cerner l'ambivalence des sentiments et esquisser le portrait de l'enfant comme objet de fantasme, social, sexuel ou littéraire.
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Grands et petits
Par Olivier Maison
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