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Une formation dispensée par le « Centre pour une société numérique », qui reçoit des fonds de l'Union européenne... et des GAFAM.
Une formation dispensée par le « Centre pour une société numérique », qui reçoit des fonds de l'Union européenne... et des GAFAM.
Virginia Mayo/AP/SIPA

"Au nom de la Commission", des juges européens suivent une formation… financée par les GAFAM

Collusion à Bruxelles

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Un institut a lancé le 5 février un appel à candidatures à destination des juges des États de l'UE pour les former aux enjeux du numérique. Problème : ce « Centre pour une société numérique » est financé par plusieurs acteurs privés, dont Google, Amazon et Meta.

Vous êtes juge ? Alors, « cette information est pour vous ! ». Voici le bout d'un tweet du 5 février d'une « experte » de la Commission européenne, vu un peu plus de 4 000 fois seulement, sur un banal appel à candidatures pour le « 17e séminaire pour les juges nationaux et les autorités nationales régulatrices » qui aura lieu du 12 au 13 juin prochain. Au menu : « un programme de formation d'annuel organisé par le Centre pour une société numérique au nom de la Commission européenne ». Selon notre « experte », « Dr Cristina Vanberghen », cette formation « forge des connexions et des collaborations entre les juges nationaux, les régulateurs et facilite l'échange de connaissances et de bonnes pratiques dans le champ dynamique de la gouvernance numérique ».

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Outre le baragouin technolibéral, on pourrait trouver l'idée pas si bête. Mais pas si vite. Ce « centre » – en anglais « Centre for a digital society » – est financé par l'Union européenne, mais aussi par une pelletée d'acteurs privés… dont Google, Meta et Amazon. De quoi susciter quelques menues, mais pas moins légitimes, interrogations sur un mélange des genres entre les garants des normes étatiques et les géants de la « tech ».

Des questions sans réponse

À l'instar de Johnny Ryan, « chercheur principal » au Conseil irlandais des libertés civiles : « Quel service au sein de la DG Connect [Direction général des réseaux de communication de la Commission européenne] a soutenu la formation des juges européens financée par l'industrie [numérique] ? Comment cela s'est-il produit ? Quelles garanties ont été exigées, le cas échéant ? » Ces questions sont, pour l'heure, restées sans réponse.

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À en croire la précédente édition, ce sont néanmoins des acteurs publics des États membres qui assurent les formations : Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse pour la France, cour d'appel administrative pour la Suède, l'Audience nationale pour l'Espagne… Reste que le thème avait de quoi plaire aux GAFAM : « Promouvoir la connectivité pour garantir une économie numérique équitable et compétitive. » Une fois de plus, l'intérêt général se trouve conditionné aux deniers privés.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne