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Julia Klöckner, ministre allemande, lors de la présentation du Nutri-score en 2019.
Julia Klöckner, ministre allemande, lors de la présentation du Nutri-score en 2019.
WOLFGANG KUMM / DPA

L'UE veut le généraliser : pourquoi le Nutri-score fait polémique

Malbouffe

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Alors que le Parlement européen a ouvert la voie à une généralisation du Nutri-score, ce mardi 19 octobre, le système d'étiquetage est contesté par des producteurs AOP qui lui reprochent de les pénaliser par rapport à des produits ultra-transformés. Le logo nutritionnel comprend en effet certaines limites.

Le roquefort et le parmesan sont-ils menacés par la généralisation du Nutri-score ? Le débat fait rage depuis plusieurs semaines, alors que ce mardi 19 octobre, les députés européens se sont prononcés pour généraliser une « étiquette nutritionnelle sur la face avant des emballages », inspirée par le principe du Nutri-score. L'initiative est portée par la Commission Européenne qui pourrait imposer cette étiquette dans tous les pays de l'Union Européenne.

C'est quoi le Nutriscore ?

C'est un logo à 5 couleurs, qui évalue la qualité nutritionnelle d'un aliment. Ce système d'étiquetage a été mis en place en France à partir de 2016 et est recommandé par les pouvoirs publics. Toutefois, les industriels n'ont pas l'obligation d'apposer le Nutri-score sur leurs produits. Le ministère de la Santé indique tout de même qu'il a été adopté par plus de 500 entreprises, dont les parts de marché représentent environ 50 % des volumes de vente. Concrètement, l'évaluation porte sur la liste des ingrédients contenus dans un produit et lui attribue un score, le plus bas étant le meilleur. La proportion de fruits, de légumes, de protéines est valorisée alors que les graisses saturées, les sucres et le sel sont pénalisés.

Si aujourd'hui, le Nutri-score concerne essentiellement les produits vendus dans les supermarchés, le gouvernement prévoit de l'adapter en 2021 à la restauration hors foyer et à la vente de produits en vrac. Conçu par une équipe de chercheurs français, le Nutri-score est désormais utilisé en Belgique, en Espagne, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Luxembourg ou encore en Suisse. La Commission Européenne souhaite s'en inspirer pour généraliser l'usage d'une étiquette nutritionnelle sur la face avant des emballages. Certaines études, comme le projet NutriNet-Santé, coordonné par la chercheuse de l'Inserm Mathilde Touvier, tendent en effet à mettre en évidence un lien entre « la consommation d’aliments mieux classés au Nutri-score et un moindre risque de survenue de différentes pathologies ».

Pourquoi est-il contesté ?

Le mécanisme est accusé de simplifier à l'excès le choix des consommateurs et de pénaliser des spécialités traditionnelles comme le roquefort, le parmesan ou l'huile d'olive en raison de leur teneur élevée en matière grasse et en sel. En France, le débat s'est cristallisé ces dernières semaines sur le roquefort. Ce fromage emblématique, protégé par une par une AOP (Appellation d'origine contrôlée), reçoit un E, soit la plus mauvaise note du Nutriscore. « C’est profondément injuste », regrette Sébastien Vignette, secrétaire général de la confédération de Roquefort, auprès de France 2. « De l’autre côté, vous aurez des produits industriels très transformés qui s’en sortiront mieux que nous », grince Sébastien Vignette qui explique que la généralisation du Nutriscore risquerait de pénaliser les produits protégés par une AOP.

Les producteurs, réunis à travers la confédération du roquefort, présidée par directeur général de Lactalis AOP & Terroirs – groupe qui produit 70 % du roquefort –, redoutent que les consommateurs ne se détournent de leur produit. Selon eux, leur fromage serait arbitrairement pénalisé, alors que d'autres produits, ultra-transformés, passeraient à travers les mailles du Nutri-score. La confédération du roquefort et d'autres organes de défense du terroir, comme la filière du comté, demandent donc à être exemptés du logo nutritionnel. « Un roquefort dont on réduirait la teneur en matières grasses ne serait tout bonnement plus un roquefort », déclare encore le Conseil national des appellations d'origine laitière.

Selon la plateforme Open Food Facts, certaines marques de frites surgelées obtiennent effectivement la meilleure note selon le Nutri-score, tout en étant des aliments ultra-transformés, selon la classification Nova, qui se penche, elle, sur le degré de transformation des aliments. Comme tous les logos nutritionnels, le Nutri-score a des limites. Il ne prend pas non plus en compte les pesticides qui peuvent se retrouver dans certains produits ou encore les additifs utilisés. La question se pose par exemple pour les édulcorants, utilisés pour remplacer le sucre dans les sodas. Un soda classique obtient une note de E, quand un soda zéro est noté B. Problème : on connaît encore mal l'impact des édulcorants sur la santé.

Comment utiliser le Nutri-score ?

Serge Hercberg, épidémiologiste et spécialiste de la nutrition, créateur du Nutri-score, rappelle qu'une mauvaise note (D ou E) ne veut pas dire qu'il ne faut pas consommer mais un produit, mais qu'il convient de « le consommer en quantité raisonnable : l'idée c'est d'aider les consommateurs à comparer les produits entre eux dans une même catégorie », explique-t-il au micro de France Inter. L'épidémiologiste répond également aux critiques formulées par les labels de qualité qui récompensent les produits du terroir : « faire partie du patrimoine gastronomique c'est très bien, mais le label de qualité qui correspond à cette dimension ne confère pas au produit une bonne qualité nutritionnelle. Donc il faut informer, à côté du label de qualité, sur la réalité de la composition nutritionnelle. »

Dans les colonnes de Libération au mois de septembre, Serge Hercberg confiait envisager de faire évoluer son logo, en apposant « un bandeau noir autour du Nutri-score qui signifierait que le produit est ultra-transformé ».

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