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Certains restaurateurs décident d'augmenter le prix de certains plats.
Certains restaurateurs décident d'augmenter le prix de certains plats.
AFP

"Qui voudrait d'un plat du jour à plus de 20 euros ?" : les restaurateurs, entre frustration et désarroi

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Flambée des coûts des matières premières, explosion des factures d’énergie… Acculés, les restaurateurs n’ont d’autres choix que d’augmenter le prix de leurs plats et de modifier leurs menus. Mais difficile de ne pas faire fuir la clientèle.

« Si ça continue comme ça, ce ne sera même plus la peine de faire de la restauration. » Dans le restaurant Le Broca, situé dans le Ve arrondissement de Paris, Alex n’est pas loin de baisser les bras. Les courses se transforment en calvaire, et le choix des plats du jour, en casse-tête. « Avant, j’achetais du saumon à 11,99 euros le kilo, il est passé à 23,99 », s’indigne le restaurateur. Il n’a trouvé aucun poisson à moins de 20 euros le kilo. Résultat : il ne pourra pas, ce vendredi 6 janvier, proposer autre chose que de la viande à ses clients. « Qui voudrait d'un plat du jour à plus de 20 euros ? », s'interroge Alex, en haussant les épaules.

Cette hausse sur les matières premières, il l’a ressentie dès le mois de décembre. Selon l’Union des métiers des industries et de l’hôtellerie (Umih), l’augmentation du prix des denrées alimentaires dans la restauration représente 25 à 30 % du coût de la fabrication d’un plat. « J’ai voulu temporiser en gardant les mêmes tarifs pour les clients, mais ça a empiré après les vacances. » Au pied du mur, Alex l’assume : il va augmenter le prix de ses plats dès le 9 janvier pour cesser de perdre de l’argent. Et les hamburgers, qu’il sert au quotidien, seront les premiers à être touchés. La poitrine fumée, que le restaurateur achetait à 5,90 euros, est passée à 9 euros. Le cheddar, de 9,50 à 14 euros. Et le pain a, lui, subi une hausse de 20 %. Alex l’avoue : il n’a pas encore décidé de combien il allait augmenter chacun de ses plats.

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La grogne, côté restaurateurs, n’est pas nouvelle. Ils ont été reçus le 5 janvier 2022 à Bercy… pour un résultat décevant, admet le patron du Broca : « Il n’y en a eu que pour les boulangers. Pour nous, rien n’a été annoncé. » D’autant que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a tenu à répéter que la période du « quoi qu’il en coûte » était bel et bien terminée. Finies les dépenses sans compter de l’État pour amortir le choc de la crise sanitaire. « La réponse à l’inflation passe par des aides ciblées » a assuré le ministre. Mais quelles aides ? La question semble demeurer en suspens pour les cuisiniers.

Facture d'énergie « multipliée par 10 »

Au Bibent, brasserie cossue située place du Capitole à Toulouse, les patrons n’ont pas attendu les annonces de Bercy. « On a augmenté nos tarifs depuis six mois », admet Camille Dumont, responsable d’exploitation. Sur une carte qui change tous les trois mois, la différence n’est pas flagrante pour les clients, qu’ils soient habitués ou de passage. D’autant plus que pour ce restaurant toulousain, il était hors de question de toucher au prix et à la composition de leur plat fétiche : le cassoulet. « Il coûte et coûtera 29 euros, c’est une décision politique », lâche, dans un sourire, la responsable qui a préféré supprimer certains produits nobles de ses plats. « 2023 vient de commencer, nous sommes loin d’être à l’abri », conclut-elle, avant de se consacrer au premier service de la journée.

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Pour se préparer à cette année qui s’annonce tumultueuse pour le secteur, certains décident de s’adapter, en éliminant des plats de leur carte. « On ne sert plus de souris d’agneau par exemple, sinon on le vendrait à 30 euros et personne n’en voudrait », déplore la propriétaire du restaurant Le Bourgogne, à Paris. Pour d’autres assiettes, elle s’est vue obligée d’augmenter le prix. Même pour ses plats phares : « L’entrecôte a pris 10 euros le kilo, mais on n’a augmenté que d’un euro pour les clients pour ne pas les effrayer. » La restauratrice perd de l’argent sur chaque assiette proposée, mais préfère s’y résoudre, en admettant que le pire reste à venir. Si le coût des matières premières demeure le point noir de ses finances, dès le 1er mars, s’y ajoutera le prix de l’énergie : « Mon contrat va changer, et la facture sera multipliée par 10. Mais je n’ai pas mon mot à dire apparemment, puisque EDF ne répond jamais au téléphone. »

De son côté, l’Umih s’interroge : « Nos entreprises voient leurs factures d’énergie continuer à flamber, multipliées par 8 ou par 10. » D’où la volonté des restaurateurs de réclamer au ministre de l’Économie la « fixation d’un tarif de référence de l’électricité et du gaz réglementé et encadré, qui serve de calcul à la mise en place d'un "contrat énergie responsable" acceptable par les entreprises ».

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne