Accueil

Société
Celle par qui tout a commencé. Aliénor d'Aquitaine, deux cents ans de malheurs

Article abonné

Celle par qui tout a commencé. Aliénor d'Aquitaine, deux cents ans de malheurs

Par

Publié le

Je m'abonne pour 1€

Rarement une femme aura autant bouleversé son époque et son pays. Fille du duc Guillaume X d'Aquitaine, dont la puissance s'étend sur un territoire recouvrant près d'un tiers de la France, Aliénor épouse le fils de Louis VI, dit le Gros, cinquième souverain capétien, en 1137. On ne sait si cette union est forcée par un roi de France craignant de lui voir échapper une partie importante du royaume ou par un père voulant protéger l'héritage de sa fille par un mariage protecteur, mais elle arrange tout le monde, sauf Aliénor, dont le tempérament émancipé, la liberté d'esprit et le franc-parler (elle aurait voulu choisir elle-même son mari) font scandale à la cour. Ne va-t-elle pas jusqu'à laisser l'un de ses troubadours, Marcabru, lui clamer son amour en plein banquet ? Les deux époux succèdent à leurs pères respectifs la même année puisque Louis VI meurt durant le voyage de noces. Voici donc Aliénor duchesse d'Aquitaine et reine de France en l'espace de quelques semaines. Tout irait pour le mieux au royaume des lys si le destin n'avait décidé de compliquer quelque peu la donne. Déjà, lors de la troisième croisade, du fait de nombreux différends, le couple est au bord de la rupture, mais le pape Eugène III réussit à rabibocher les époux lors d'une halte à Monte Cassino. Effets bénéfiques du Saint-Siège, Aliénor tombe à nouveau enceinte. Manque de bol, c'est encore une fille. Les frasques et les humeurs libéralo-libertines de la reine finissent par lasser l'abbé Suger, à qui le roi a confié le gouvernement. Non contente de tromper Louis VII comme dans un bois et faute de donner un héritier mâle à la dynastie capétienne, Aliénor est répudiée. Cette répudiation va provoquer l'un des plus grands boxons géopolitiques du Moyen Age. En se remariant à Henri Plantagenêt, héritier du trône d'Angleterre, qui lui fait cinq fils, Aliénor place en effet un tiers du territoire français sous obédience anglaise, créant ainsi la configuration qui provoquera, un siècle plus tard, la guerre de Cent Ans. Mais la reine d'Angleterre n'est pas au bout de ses peines puisqu'elle va voir mourir son mari, quatre de ses cinq fils et deux de ses trois filles. Femme lettrée, érudite, en avance sur son temps, elle subira nombre d'outrages et assistera, au sein de sa progéniture, à de féroces déchirures familiales. Aliénor d'Aquitaine est l'archétype de la maîtresse femme, sans aucune ambiguïté sociologique, assumant sa féminité. Elle ne fut jamais masculine dans ses attitudes et aima sa progéniture d'un amour attendri. Par ailleurs, sa descendance règne encore à Londres, tandis que celle de Louis VII a connu un raccourci en 1793 et son épilogue en 1848.

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne