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Laurent Bouvet, le 25 août 2021
Laurent Bouvet, le 25 août 2021
Jean-Pierre Muller / AFP

Décès de Laurent Bouvet : et la décence ? Bordel !

Un dernier clou dans le cercueil

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L'annonce du décès du politologue, cofondateur du Printemps Républicain, samedi 18 décembre, a provoqué les moqueries et quolibets de certaines personnalités et de journalistes dits de gauche sur les réseaux sociaux. La palme de l'indécence revient à Samuel Gontier, journaliste à « Télérama », qui a passé la soirée à traquer les hommages venus de la droite.

Trois heures et demie. C'est le temps qu'aura attendu Samuel Gontier, journaliste de Télérama pour se moquer, samedi 18 décembre, de la mort de Laurent Bouvet, politologue et fondateur du Printemps républicain. De nombreuses personnalités lui rendaient alors hommage, de Fabien Roussel à Eric Ciotti en passant par Emmanuel Macron.

L'intellectuel s'est éteint à 53 ans, des suites d'une maladie de Charcot fulgurante diagnostiquée en 2019. « La gauche “républicaine”, c’est encore l’extrême droite qui en parle le mieux », s'est empressé de publier Samuel Gontier sur Twitter, en commençant par partager un message d'Eugénie Bastié. La journaliste s'y émouvait de la disparition du politologue, un « intellectuel brillant et un homme profondément sympathique ».

Qu'il classe Eugénie Bastié, journaliste de droite conservatrice, à l'extrême droite n'est pas vraiment une surprise – après tout, ces dix dernières années, Samuel Gontier nous a habitués à étiqueter « de droite » tous ceux qui, à la télévision, ne pensent pas comme lui. Mais cette première sortie n'était qu'un préambule. Car le spécialiste des médias a occupé son samedi soir à traquer tous les hommages venus de cette droite à un intellectuel tout juste décédé. Gilles-William Goldnadel, Eric Ciotti, Mathieu Bock-Côté... « Ces bouleversants témoignages de leurs meilleurs alliés vont achever de convaincre [le Printemps républicain] qu’ils incarnent la seule véritable gauche, celle qui combat l’hydre islamo-gauchiste », a-t-il ironisé.

Tous les coups sont permis

Et la soirée s'est finie en beauté. Minuit approche, Samuel Gontier exulte. C'est arrivé : Eric Zemmour lui-même rend hommage à Laurent Bouvet. L'authentique extrême droite. Gontier ne prend pas la peine de dissimuler sa joie, il avait tout prévu. « Je l’espérais, il est arrivé : l’hommage de la droite non sectaire à la gauche non sectaire », écrit le héraut de la gauche humaniste dans une mise en abyme vertigineuse. Après tout, contre l'adversaire, tous les coups ne sont-ils pas permis ?

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Samuel Gontier n'est d'ailleurs pas le seul à avoir cédé à l'invective samedi soir. Le journaliste et twittos très prolifique Nils Wilcke s'est empressé de rappeler les polémiques qu'avait suscitées le politologue – « tweets appelant au harcèlement » ou « détournements d'affiches douteux », selon lui. Surpris par les réactions outrées causées par ce tweet, il l'a finalement supprimé. Feïza Ben Mohammed, journaliste proche des milieux décoloniaux, a pour sa part préféré jouer cartes sur table : « Comment ça on doit respecter les gens juste parce qu’ils sont morts ? », a-t-elle tweeté. C'est vrai ça, comment ça ?

Mais qu'a donc bien pu faire Laurent Bouvet pour s'attirer leurs foudres ? Dans le sillage de Christophe Guilluy, le politologue a popularisé le concept très polémique d' « insécurité culturelle ». Il a également fondé le Printemps républicain, collectif défendant une conception intransigeante de la laïcité. Il a, lui aussi et de son propre aveu, cédé à la violence verbale des réseaux sociaux. Autrement dit : il a pointé, parfois avec outrance, ce qu'il considérait comme les errances de la gauche moderne, trop occupée à promouvoir une défense aveugle des minorités pour s'emparer réellement de la question de l'islamisme.

Ce sont ces combats-là qui justifient ces quolibets de l'autoproclamé « journaliste de canapé » Samuel Gontier et qui l'ont conduit à ironiser encore, dans une estocade finale : « Camarades non sectaires de tous les pays, unissons-nous pour bouter les niakoués hors de nos frontières. Ainsi sera préservée notre sainte laïcité déjà sauvée par le pétainisme en son temps. » Accusation de racisme et réduction au pétainisme... Passé minuit, plus rien n'arrête le chroniqueur média.

Lundi matin, il daigne finalement expliquer le fond de sa pensée politique et assure n'avoir « jamais voulu se réjouir » du décès Laurent Bouvet. « Je me borne à noter que les plus vibrants hommages viennent de l’extrême droite, révélant la véritable nature idéologique du Printemps républicain », analyse-t-il finement, capture d'écran de Marine Le Pen à l'appui. Une logique implacable : les hommages font le bord politique. Qu'à cela ne tienne, la rédaction de Marianne tient à rendre un hommage vibrant à toute l'œuvre de Samuel Gontier.

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