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Un moustique tigre.
Un moustique tigre.
Alberto Ghizzi Panizza / Biosphoto

Dengue et JO : plutôt que de paniquer… videz l’eau de vos pots de fleurs !

Voilà l’été

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Ces derniers jours, de nombreux articles s’alarment du risque d’épidémie de dengue lors des Jeux Olympiques de Paris. En cause : les chiffres inédits des nombres de contaminations par le virus transmis par le moustique tigre sur le territoire national. Mais d’après les spécialistes interrogés par « Marianne », un suivi rigoureux des cas pourrait éviter la catastrophe.

Alerte pourpre ! Les Jo approchent (oui, on sait, ça fait quatre ans qu’on en parle) et les premiers spectateurs à arriver en masse ne sont pas les plus attendus : les moustiques tigres. Ces derniers mois, la présence de l’insecte zébré a explosé. La situation est inédite : le ministère de la Santé évoque sa présence dans 78 départements début 2024. Et si les foyers sont principalement situés dans le Sud, le moustique tigre a bien migré au nord du pays. Sept départements sont même passés en alerte « pourpre » – au-delà du rouge, donc.

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La différence ? Certaines personnes ont contracté la dengue dans ces territoires, et non pas dans un pays étranger dont elles sont revenues. Ce qui signifie que l'insecte propage la maladie en France… Et c’est bien ce dernier risque qui pourrait augmenter cet été, voire exploser lors des JO. Ainsi, ces deniers jours, la presse s’alarme du risque d’épidémie estivale. Qui reste pourtant faible, insistent les chercheurs contactés par Marianne.

Pas de risque zéro…

Pour transmettre le virus, il faut qu’un insecte pique une personne infectée : il porte ensuite la maladie, et peut la transmettre. Or le nombre de cas importés explose, principalement du fait d’une épidémie qui dure depuis des mois dans les Antilles françaises. Ainsi, « entre le 1er janvier et le 19 avril 2024, 1 679 cas de dengue importée ont été notifiés à Santé publique France versus 131 sur la même période en 2023 », note l’agence de santé publique. Les JO de cet été pourraient donc être un cocktail explosif. Plus de 15 millions de personnes sont attendues, dont certaines pourraient être porteuses de la maladie.

Dans le reste du monde, de fait, les épidémies font rage. C’est notamment le cas en Amérique du Sud, en Asie du sud-est, mais aussi dans les Antilles. Et puisque le moustique tigre est présent un peu partout en France, le risque que certains piquent ces malades et le transmettent à d’autres augmente mécaniquement. D’autant plus l’été, saison favorite des moustiques. Pire : certains travaux ont montré que le phénomène El Nino, qui bouleverse cycliquement le climat terrestre et est souvent lié à des chaleurs et humidités exacerbées, favorise la présence du moustique tigre et donc des maladies qu’il transmet (dites vectorielles, car transmises par un vecteur), notamment en Asie du sud-est. Faisant encore grimper le risque d'importations de cas.

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« Et en métropole, peu de gens ont déjà eu la dengue, donc le statut immunitaire de la population n'empêchera pas la propagation », avance Bernard Cazelles, mathématicien (CNRS, ENS). Autre difficulté : le virus ne provoque pas toujours de signes cliniques. Pour autant, si un moustique les pique, il se gorgera du virus dont ils sont porteurs. Compliquant la lutte contre la propagation. Si la proportion d’infectés ne présentant aucun symptôme est particulièrement complexe à déterminer, « des travaux évoquent 60 à 70 % d’asymptomatiques », explique Didier Fontenille, entomologiste et membre du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), et qui a rédigé des avis sur le sujet. Autant de paramètres qui font des JO « un exemple de risque accru d’importation de cas et de diffusion en Hexagone », mentionnait dans un avis le Covars en avril 2024.

Mais pas très loin de zéro

Mais même avec ces chiffres inédits, le risque d’épidémie incontrôlée reste limité. Car la réunion de ces conditions – températures élevées et humidité, statut immunitaire faible, nombreux cas importés et moustique largement implanté – rend certes la propagation possible, mais pas probable pour autant. « Tous ces éléments font qu’une épidémie a plus de chances de démarrer, mais pas qu’elle va forcément arriver », insiste Bernard Cazelles. Le nombre de cas, quoiqu’inédit, reste en effet faible.

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D’autant que dès qu’un cas autochtone est découvert, les agences de santé font en sorte d'éliminer les moustiques à proximité. « Dans le 15e arrondissement, par exemple, une opération de démoustication a été menée l’été dernier », rappelle Bernard Cazelles. Reste bien sûr un risque que la mécanique s’emballe, avec des dizaines de cas importés, des moustiques présents en grande quantité, et des agences de santé qui n'arrivent plus à suivre le rythme. « Mais vu le nombre de porteurs de la maladie en métropole et de moustiques, il faudrait l’arrivée de très nombreux porteurs du virus pour qu’il y ait vraiment une explosion », décrit encore le scientifique.

Prévenir plutôt que guérir

« Le problème, c’est surtout qu’en métropole, on ne connaît pas ce risque et donc on s’y prépare trop peu », regrette Didier Fontenille. Pourtant, certains gestes simples permettent d’éviter la prolifération des moustiques tigres. La première d’entre elles : les empêcher de se développer, ce que les larves font dans des petites réserves d’eau. « Comme les bacs de pot de fleurs, les pneus laissés à l’air libre dans lesquels de l’eau s’accumule, les récupérateurs de pluie… », énumère le chercheur. Les vider, c’est déjà empêcher des moustiques de devenir adultes. Si les pièges ne sont efficaces qu’en grande quantité et donc potentiellement pour protéger des hôpitaux ou autres structures, certains répulsifs fonctionnent en revanche très bien. « Ce sont ceux à base de pyréthrinoïdes », explique encore Didier Fontenille. Reste aussi, bien sûr, la possibilité de limiter les piqûres en se couvrant.

Et d’insister pour que les collectivités s’occupent, elles aussi, de la présence d’eau stagnante dans les endroits publics et communiquent les bons gestes à tous. De fait, un décret paru en 2019 prévoit des « actions d'information et de sensibilisation du public aux mesures de prévention et de protection individuelles ». Les plans de lutte contre les maladies vectorielles prévoient notamment la possibilité de convoquer la Croix Rouge Française en cas d’épidémie.

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Surtout, « il faut se préparer pour ne pas se retrouver démunis », insiste Didier Fontenille. Dans l’avis rendu par le Covars en avril 2023, les chercheurs évoquaient la nécessité de simuler la survenue de « 20 foyers et 200 cas en PACA » et autant en Occitanie, pour savoir comment réagir, notamment pendant les JO, si l’épidémie s’emballait. « À ma connaissance, ça n'a pas été fait », continue l'entomologiste. Quatre ans que l’on parle des JO, et pas de simulations, donc. Espérons que le gouvernement s’est mieux préparé aux autres risques sanitaires qui pèsent sur les JO – les virus Zika ou du chikungunya, eux aussi portés par le moustique tigre, les intoxications alimentaires, le Covid-19…

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne