Accueil

Société Santé
10 millions de dose de vaccins devraient être disponibles en 2025, selon un laboratoire danois.
10 millions de dose de vaccins devraient être disponibles en 2025, selon un laboratoire danois.
Jeenah Moon/AP/SIPA

Vaccins, équipements, formations : après l’alerte de l’OMS sur le mpox, quelle "solidarité" internationale ?

Collaboration

Par

Publié le

Au vu de l'évolution des cas de mpox, aussi appelée « variole du singe », notamment en Afrique centrale, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé d’activer, pour la septième fois, son plus haut degré d’alerte sanitaire. Selon les experts interrogés par « Marianne », ce dispositif permet de mobiliser et de coordonner les moyens d'action des différents pays. Notamment en matière d'acheminement d'équipements sanitaires et de vaccins, actuellement quasi-absents dans les États africains les plus touchés.

Après l’avoir actionné lors de la pandémie de grippe H1N1 en 2009, de la flambée d’Ebola en 2019 ou encore des vagues successives de Covid en 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé d’activer, pour la septième fois, son plus haut degré d’alerte sanitaire. En cause : la tournure prise par l’épidémie de mpox, plus communément appelé « variole du singe », en cours dans plusieurs pays d’Afrique centrale. Son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a de fait décrété « l’urgence de santé publique internationale », mercredi 14 août.

À l’OMS, ce dispositif a été créé et imaginé en 2003, après l’épidémie de Sras, pour les situations jugées « graves, soudaines, inhabituelles ou inattendues », comme le précise le site de l’institution. Ce niveau d'alerte correspond en outre à « un événement extraordinaire dont il est déterminé [...] qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres États en raison du risque de propagation internationale de maladies ».

À LIRE AUSSI : Pourquoi la propagation de la variole du singe inquiète l'OMS

Le règlement en fixant les contours a par la suite été adopté en 2005. Au-delà d’établir un réel suivi de l’épidémie, l'alerte maximale permet de coordonner les moyens d'action des différents pays. « Elle incite à renforcer la solidarité internationale », indique Sylvie Briand, directrice du secrétariat du Conseil mondial de suivi des pandémies à l’OMS.

Autrement dit, avec cette nouvelle alerte, l’agence internationale met la pression sur l’ensemble des pays pour venir en aide à ceux qui sont les plus touchés. À commencer par la République démocratique du Congo, où 14 000 cas ont été rapportés sur les six premiers mois de l’année, soit autant que sur la totalité de 2023. Si la poussée virale semble plus virulente dans ce pays d’Afrique centrale, le mal a d’ores et déjà commencé à se diffuser chez les États voisins : le Burundi, le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda.

Acheminer les vaccins

Or, dans cette région ravagée par les conflits, « ce sont des pays qui traversent déjà des crises et qui ne pourront pas s’en sortir tout seul », souligne Sylvie Briand. Formation des soignants, information des populations, distribution d’équipements… Le dispositif de l’OMS permet alors d’accompagner les différents ministères de la Santé et les partenaires sanitaires en apportant un appui technique et en fournissant des outils de terrain.

« Concrètement, il permet de placer le dossier au-dessus de la pile et d’accélérer le processus des agences de régulation sanitaires. Une mobilisation forte des pays occidentaux permettra d’acheminer davantage d’équipements », précise l’experte.

Outre lesdits équipements, il s’agira de mettre en place des moyens logistiques afin d’acheminer les doses de vaccin ou de traitements. Pour l’heure, il existe trois types de vaccins. Le premier, utilisé dans les années 1980 pour éradiquer la variole, bien qu’efficace pour lutter contre le mpox, n’est plus utilisé sur la population générale depuis 1984 du fait d’un trop grand nombre d’effets secondaires indésirables (atteintes cardiaques, encéphalite, troubles neurologiques, eczéma…).

À LIRE AUSSI : Vaccination : la stratégie "zéro variole du singe" est-elle possible ?

En revanche, une version plus récente de ce vaccin antivariolique, dite « de troisième génération », a largement été utilisée dans les pays occidentaux lors de la précédente épidémie de variole du singe, en 2022. Il s’agit d'un sérum homologué depuis 2019 et élaboré par un laboratoire pharmaceutique danois, Bavarian Nordic. Ce vaccin contre la variole est efficace à 85 % contre cette maladie, car les deux virus – qui appartiennent à la même famille – présentent des similitudes au niveau de leur génome.

Face à la résurgence des cas de mpox, le laboratoire danois s’est dit prêt, ce jeudi 15 août, à produire deux millions de doses supplémentaires d’ici la fin de l’année et jusqu’à 10 millions d’ici 2025. En parallèle, un autre vaccin est en cours d’élaboration par un laboratoire japonais, Kaketsuken, mais n’est pas commercialisé pour l’heure.

Mutation du virus

Il y a pourtant urgence, les stocks de vaccins étant quasi inexistants en Afrique centrale. Même chose pour le traitement antiviral, le « tecovirimat », qui a prouvé son efficacité contre les formes graves de la maladie en 2022 mais qui demeure introuvable sur place. L’objectif étant, dans ces pays, de protéger d’une part les soignants mais également les populations les plus à risque. Une stratégie mise en place en France, en 2022, où plus de 2 700 personnes avaient contracté le virus.

Outre l’isolement des cas confirmés ainsi que des cas contacts, les autorités sanitaires françaises avaient opté pour la vaccination en masse, notamment des « populations homosexuelles à partenaires multiples » – les populations jugées à risque à cette période. « Ce dispositif a permis de faire baisser le nombre de cas. En France, depuis le début de l’année, seuls 107 cas ont été diagnostiqués, sans passage à l’hôpital ni décès », rapporte Antoine Gessain, professeur à l’Institut Pasteur et spécialiste du mpox.

À LIRE AUSSI : Psychose sanitaire : Pourquoi rejoue-t-on le scenario du Covid avec la variole du singe ?

Ce dernier affirme que désormais, le virus ayant muté, il s’est adapté à l’Homme. Les symptômes, en revanche, restent les mêmes : de la fièvre, à laquelle s’ajoutent des gonflements des ganglions ainsi que des lésions cutanées. Rappelons qu’à l’origine, la souche du mpox, appelée clade 1, était une « maladie infectieuse d’origine zoonotique », c’est-à-dire directement liée à un contact cutané avec un animal.

« Les enfants vivant dans des lieux isolés ou dans la forêt étaient les plus touchés. Dans de rares cas, certains d’entre eux, souvent déshydratés ou malnutris, mouraient des suites d’une surinfection bactérienne des lésions cutanées. La létalité était de l’ordre de 5 à 10 % », note Antoine Gessain.

Une transmission « interhumaine et sexuelle »

Aujourd’hui, la nouvelle souche, renommée clade 1b, touche principalement les travailleurs du sexe et les personnes séropositives en Afrique de l’Ouest, pour la plupart immunodéprimées ou mal prises en charge dans ces pays. Ainsi, la transmission est désormais « interhumaine et sexuelle », comme l’explique le spécialiste.

À LIRE AUSSI : Contre la variole du singe, le vaccin antivariolique ne servirait probablement à rien

De fait, le virus a une plus grande capacité à se transmettre rapidement, en Afrique… comme en Europe. Un premier cas a d’ailleurs été détecté en Suède, ce jeudi 15 août. « Le virus se fiche des frontières. Les pays "riches" ont tendance à penser qu’ils sont protégés de ce qui se passe en Afrique mais personne ne l’est. On a tous intérêt à les aider », insiste Sylvie Briand. Encore faut-il s’en donner les moyens.

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne