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Le peintre Augustin Rouart remis en lumière par son fils, l’académicien Jean-Marie Rouart

Jean-Marie Rouart devant l’«Enfant au citron ». Son portrait peint par son père en 1946.
Jean-Marie Rouart devant l’«Enfant au citron ». Son portrait peint par son père en 1946. © Hélène Pambrun / Paris Match
Benjamin Locoge

À Trouville, l’académicien s’est réinventé en commissaire d’exposition pour présenter le travail de son père.

Tout le prédestinait à la peinture. Par sa famille, Augustin Rouart, né en 1907 à Paris, est le petit cousin des frères Manet, sa mère, Christine Lerolle, est la fille du marchand d’art et collectionneur Henri Lerolle, l’un des premiers à s’émerveiller devant l’impressionnisme. Augustin découvrit les toiles de ses contemporains sur les murs des demeures familiales à Paris ou au domaine du Mesnil et peut se targuer d’avoir un portrait de sa mère et de sa tante peint par Renoir dès 1892… Seulement voilà : à force de grandir entouré de chefs-d’œuvre, a-t-on forcément envie de faire la même chose ? Pour Augustin Rouart, la tangente était la solution évidente, lui qui avait pour maîtres Holbein ou Dürer.

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Direction Trouville-sur-Mer et le sublime musée de la Villa Montebello, à qui Jean-Marie Rouart a prêté de nombreuses toiles pour faire connaître l’œuvre de son père décédé en 1997. Sous la houlette de Karl Laurent, le directeur de la Villa Montebello, l’exposition « Augustin Rouart, en son monde… » est une petite merveille. Durant près de soixante ans, Augustin Rouart n’a pas dévié de la peinture figurative. En trois salles thématiques (les paysages, les portraits et les natures mortes), on découvre avec bonheur une manière singulière de figer le temps.

« Le nageur », aquarelle, 1943.
« Le nageur », aquarelle, 1943. © Collection Augustin Rouart

Augustin Rouart lorgne, au fil des ans, vers David Hockney et Nicolas de Staël

Jean-Marie ou son frère Daniel furent des modèles disciplinés durant leur enfance, alors que Juliette, leur mère, est souvent attrapée dans son sommeil. Picturalement, Augustin Rouart lorgne plus, au fil des ans, vers David Hockney pour son traitement des couleurs et Nicolas de Staël pour son attrait pour la lumière, que pour les impressionnistes qui pimentèrent la vie de sa famille. « Mon père n’avait aucun sens social, raconte Jean-Marie Rouart, ce n’était pas un homme de fréquentations.

Or le peintre a besoin d’une vie mondaine pour exister, ne serait-ce que pour avoir des commandes. » Augustin a donc vécu une vie d’artiste dans l’ombre, sans jamais se décourager. « Son combat, reprend Jean-Marie, il le menait contre Holbein, parce qu’il avait bien conscience qu’il était “un autre peintre dans la famille” avec tout ce que cela comportait de sous-entendus. Mais je l’ai toujours vu en quête de perfection pour son art. Il n’a jamais dévié de sa ligne. » Quand, en 1947, Augustin et Juliette doivent confier Jean-Marie à des amis qui vivent à Noirmoutier, il compose une bande dessinée pour son jeune fils.

«Puis il va cesser de peindre pendant cinq ans. » Ce n’est qu’à la naissance de sa fille qu’Augustin reprend ses pinceaux, laissant transpirer sa mélancolie dans ses toiles les plus lumineuses… À peine nommé à la tête du « Figaro littéraire », Jean-Marie se démène pour organiser la première grande exposition d’Augustin, qui, à 80 ans, peut enfin bénéficier d’un regard du grand public sur son travail. Dix ans plus tard, il décède deux jours avant l’élection de son fils cadet à l’Académie française.

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Mon père n’était pas un intellectuel, il avait horreur des discussions enflammées, détestait Malraux par exemple

Jean-Marie Rouart

« Mon père n’était pas un intellectuel, il ne se passionnait pas pour la politique, il avait horreur des discussions enflammées, détestait Malraux par exemple », selon Jean-Marie Rouart, qui ajoute avec malice avoir pris l’exact contre-pied de son géniteur. « Lui était très janséniste, moi je suis très jésuite. » Mais, dans une même lignée, père et fils ont cependant consacré leurs vies respectives aux arts. « Je veux faire connaître son travail parce que je crois à sa beauté et à sa qualité. Dans son “Nageur” par exemple, on voit aussi bien les influences des primitifs italiens que de l’Art déco, et c’est exceptionnel. »

Difficile de remettre en cause l’objectivité filiale d’un Jean-Marie Rouart qui, au crépuscule de sa propre existence, rend finalement le plus beau des hommages à son père. Démonstration appuyée par la comédienne Louise Bourgoin, ancienne élève des Beaux-Arts et tombée en pamoison devant quatre tableaux d’Augustin Rouart, qu’elle a acquis. «C’est comme si le peintre, écrit l’actrice dans le catalogue, nous chuchotait “la vie est belle quand elle est simple”. Cela contraste avec ce que l’on sait de sa mélancolie. Il a employé l’art comme antidote au malheur. Il a choisi d’être heureux artistiquement alors que la vie le décevait. » À Trouville, c’est certain, Augustin Rouart aurait souri.

«Augustin Rouart en son monde, avec Julie Manet, Berthe Morisot, Maurice Denis… » jusqu’au 22septembre au musée Villa Montebello (Trouville-sur-Mer)
«Augustin Rouart en son monde, avec Julie Manet, Berthe Morisot, Maurice Denis… » jusqu’au 22septembre au musée Villa Montebello (Trouville-sur-Mer) © DR

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