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Motoneige : des coroners réclament une formation pratique

Par Jean-Luc Lavallée
Madore89/Shutterstock.com

N’importe quel adulte, avec ou sans expérience, peut s’élancer avec une motoneige s’il dispose d’un permis de conduire. Les jeunes de 16 et 17 ans, quant à eux, doivent en plus suivre une formation théorique de quatre heures. À la suite d’accidents mortels, des coroners recommandent cependant l’adoption d’une formation pratique obligatoire pour tous.

Vous n’avez jamais fait de motoneige et vous voulez tenter l’expérience ? Rien de plus simple. Il est possible d’en enfourcher une et de circuler sur les sentiers en toute légalité, quelques minutes à peine après votre arrivée dans un centre de location. Il est cependant préférable de réserver pour obtenir un véhicule, surtout si les conditions de neige s’améliorent. La demande est grande !

Au Québec, comme dans la majorité des autres provinces canadiennes, aucune formation théorique ou pratique n’est obligatoire pour les adultes qui achètent ou louent un véhicule motorisé doté de skis et de chenilles.

Le site de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) précise qu’il faut simplement détenir un permis de conduire valide de n’importe quelle classe si on emprunte un chemin public, un sentier visé par la Loi sur les véhicules hors route ou tout autre lieu de circulation non visé par le Code de la sécurité routière. Le port du casque est obligatoire en tout temps, tout comme l’immatriculation du véhicule.

Seuls les adolescents de 16 et 17 ans sont obligés, selon la loi, de suivre une formation théorique d’une durée de quatre heures, afin d’obtenir une attestation (ou un certificat d’aptitude).

Une formation « minimale » laissée à l’appréciation des locateurs

La Loi sur les véhicules hors route adoptée en décembre 2020 oblige néanmoins tout locateur d’une motoneige à prendre les moyens raisonnables pour s’assurer que le conducteur « a bénéficié d’une formation minimale lui permettant de comprendre le fonctionnement de son véhicule et les règles minimales de sécurité ». Or, la loi ne définit pas le concept de formation minimale. Chacun est libre de l’interpréter à sa façon.

L’accès relativement facile à l’invention de Joseph-Armand Bombardier inquiète des coroners ayant eu à enquêter sur des accidents mortels, dans les dernières années.

À l’achat d’une motoneige, le concessionnaire vous donnera des instructions de vive voix sur le fonctionnement de votre nouvel engin, sans plus.

Pour la location d’un engin, certains locateurs envoient au préalable une courte vidéo de formation aux usagers, mais, la plupart du temps, ils se contentent de donner un cours express sur place, un 5 à 20 minutes de consignes avant le départ. Lors de notre tournée d’appels téléphoniques pour connaître les conditions de location, aucune entreprise ne nous a proposé une formation pratique plus étendue.

En revanche, le recours à un guide expérimenté était systématiquement et fortement suggéré. Depuis décembre 2021, les guides ont l’obligation de suivre une formation de 17 heures et de détenir une attestation pour guider des excursions en véhicule hors route (VHR).

L’inexpérience en cause dans plusieurs accidents

Bon an, mal an, la SAAQ dénombre plus de 300 accidents de motoneige avec blessures, et une vingtaine de décès.

La conduite avec les facultés affaiblies et la vitesse sont les principales causes d’accidents mortels. Mais ces trois dernières années, plusieurs coroners ayant enquêté sur des décès ont aussi pointé du doigt l’inexpérience dans une douzaine d'accidents.

Dans un récent rapport d’accident, rendu public la semaine dernière, MPascale Boulay s’ajoute à la liste de ces coroners qui s’interrogent sur l’absence de formation des conducteurs avant d’enfourcher leur véhicule.

À la suite du décès d’un homme de 37 ans ayant percuté un arbre à Val-des-Bois en 2022, Me Boulay évoque plusieurs facteurs ayant pu contribuer à sa mort : la forte intoxication à l’alcool, la possibilité qu’il se soit endormi, mais également sa « maladresse » évidente avec sa nouvelle motoneige modifiée.

« Les motoneiges modernes sont de plus en plus performantes et puissantes, et peuvent être plus difficiles à manier ; donc, d’emblée, les risques pour la vie humaine en sont largement accrus, écrit la coroner dans son rapport. Par conséquent, il m’apparaît opportun qu’une formation pour la conduite des motoneiges soit exigée, comme c’est le cas notamment pour les bateaux, avions et motocyclettes, et qu’un règlement à cet effet puisse être établi. »

En 2020, la coroner Renée Leboeuf déplorait, elle aussi, l’absence de formation pratique, à la suite d’un drame ayant coûté la vie à un jeune touriste français de 11 ans, passager d’une motoneige conduite par sa mère à Saint-Alexis-des-Monts.

« La formation théorique donnée par les guides avant les départs en randonnée est assurément insuffisante pour faire en sorte que les conducteurs aient développé les habiletés requises pour la conduite d’une motoneige, surtout dans des conditions climatiques difficiles », mentionnait l’experte.

Exiger la même formation que pour une moto à trois roues

Trois ans et demi plus tard, bien qu’elle ne soit plus coroner, Renée Leboeuf estime que ses recommandations sont toujours d’actualité et plaide pour la mise en place d’une formation obligatoire de sept heures, comme pour la moto à trois roues.

« Au Québec, pour conduire une moto trois-roues de type Spyder, ça demande une formation théorique et une formation pratique d’une journée avant d’avoir un permis, dit-elle. Je pense que ça pourrait être approprié (…) pour les motoneiges. »

Permis de motoneige : l’industrie est réticente

Plusieurs acteurs de l’industrie de la motoneige consultés par Protégez-Vous entrevoient cependant des difficultés majeures pour mettre en place une telle formation pratique : la saison pour pratiquer cette activité récréative est courte ― quelques mois à peine ―, sans compter la rareté de la neige dans certaines régions et les caprices imprévisibles de Dame Nature.

« Comment faire pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité en ce qui concerne les formations et faire appliquer les règles ? », se demande Michel Garneau, directeur marketing de la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec (FCMQ), évoquant le cas d’un touriste européen en visite pour quelques jours seulement. « Ce que je souhaite, c’est que les locateurs prennent les mesures nécessaires pour rendre ça sécuritaire, ajoute-t-il. À un moment donné, il faut avoir confiance en l’être humain. »

Fait intéressant, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) s’est penché sur l’enjeu de la formation obligatoire en 2011, après avoir comparé ce qui se faisait dans plusieurs autres législations. Ses conclusions sur l’efficacité d’une telle mesure étaient mitigées en raison du manque de données.

« Les études portant sur les effets d’une loi exigeant une formation et/ou un certificat de compétence sur les comportements des conducteurs ou sur le bilan de sécurité sont très rares, et il est, par conséquent, difficile de conclure quant à l’effet attendu d’une telle mesure », peut-on lire dans l’avis scientifique.

Analyse en cours au ministère

La nouvelle Loi sur les véhicules hors route permet au gouvernement d’agir par voie de règlement, à tout moment, afin d’imposer des exigences plus sévères en matière de formation ou de location. C’est ce que réclame la coroner Boulay, dont le rapport fait présentement l’objet d’une analyse au ministère des Transports et de la Mobilité durable, nous a-t-on confirmé.

Lors d’un précédent échange, quelques semaines avant la diffusion de son rapport, le ministère nous avait toutefois répondu qu’il n’avait aucune intention « d’élargir aux adultes l’exigence de la réussite d’examens ou de formations pour conduire un véhicule hors route, comme une motoneige ». Et aucune discussion avec la SAAQ n’a été menée en ce sens.

À lire aussi : Vous avez une motoneige. La SAAQ vous assure-t-elle ? et Polaris rappelle plus de 230 000 motoneiges

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