Loi sur la glottophobie: «L’accent est un atout, pas une tare»
FIGAROVOX/TRIBUNE - Lorsque que l’on est bien à sa place dans sa vie professionnelle, l’accent est une force, analyse Paul Carcenac. Quitte à faire une loi, il aurait été plus intelligent de trouver un moyen de valoriser les accents plutôt que d’en faire un énième motif de discrimination.
Passer la publicitéPaul Carcenac est journaliste au Figaro.
L’accent, l’accent, l’accent. À vouloir sanctionner une discrimination au travail, l’Assemblée nationale est en réalité contreproductive. Elle crée un nouveau délit, lourdement sanctionné, qui dans les faits sera quasiment impossible à prouver devant un tribunal. Il fera certes, réfléchir à deux fois quelques recruteurs indélicats. Mais le législateur renforce l’idée dans l’imaginaire des Français qu’un accent est un handicap, une tare. Or, c’est tout l’inverse.
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Un accent est une force, une richesse, un atout. Comme beaucoup de différences, d’ailleurs. Il permet de se démarquer, chose devenue de plus en plus compliquée de nos jours dans le monde du travail. Bernard Laporte aurait-il eu le succès qu’il a eu au-delà du monde du rugby sans son accent de Gaillac? Serait-il devenu ministre? Qui peut le dire? Vincent Moscato, aurait-il rempli les théâtres et les salles de cinéma sans son phrasé légendaire? Jean-Michel Apathie se serait-il fait remarquer de la masse des journalistes politiques à la télévision et à la radio? Qui sait. Kendji vendrait autant-ils autant d’albums? C’est l’incertitude de la vie.
Certes, les défenseurs de la loi font remarquer que le premier ministre Jean Castex a dû endurer les plus viles moqueries sur sa manière de s’exprimer lors de sa nomination. Son phrasé, qualifié de rocailleux, fût abondamment commenté. Mais son accent lui donne avant tout un côté proche de la France des «territoires», mot qu’il n’a eu de cesse de prononcer lors de son arrivée à Matignon. La plupart des politiciens actuels aimeraient avoir ce «passeport d’authenticité». N’est-ce pas cette légitimité hors sérail et prétendument loin du petit milieu parisien, qu’Emmanuel Macron sentant bien l’air du temps, a voulu capter? Pourtant, à voir son CV, il n’est pas si éloigné de ceux dont il est censé de démarquer: énarque, haut-fonctionnaire…
Quand on est doué, bien à sa place dans sa vie professionnelle, l’accent est une forceLe fait est, que quand on est doué, bien à sa place dans sa vie professionnelle, l’accent est une force. Étudiant, j’ai eu un professeur de journalisme audiovisuel reporter à France 3 Côte d’Azur, qui nous entrainait à de faux reportages en directs, face caméra, pour travailler l’écriture télévisuelle. Cette après-midi-là, la classe était bien peu concentrée. À l’approche des partiels, chacun trouvait un moment pour réviser, ou faire autre chose. Personne ne s’écoutait. Quand fut venu mon tour, après un passage face caméra réalisé avec un accent tarnais pur jus, je questionnais l’instructeur:
- Que dois-je faire la prochaine fois, conserver mon accent ou essayer de le gommer?
- Regarde donc autour de toi, me répondit le professeur.
Tous mes camarades avaient levé la tête de leurs cahiers, interrompu leurs bavardages, pour écouter mon passage. Ainsi, pour la première fois, je remarquais que cette différence pouvait être une force.
Quitte à faire une loi, plutôt qu’un énième motif de discrimination, il aurait été plus intelligent de trouver un moyen de valoriser les accents. Ils sont toujours caricaturés, dans les médias, c’est vrai, c’est un vrai problème. Comment est-il possible qu’il n’y ait pas d’expressions locales dans les feuilletons tournés dans les Antilles, à Marseille ou à Montpellier? Cela ne fait-il pas assez sérieux? Menacer de 45.000 euros d’amende et de trois ans de prison une moquerie sur un accent en entretien d’embauche changera-t-il le fond des mentalités?
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La loi sur la discrimination n’obligera pas les producteurs de films, de séries par exemple. Pourtant, ce serait bien par-là qu’il faudrait commencer. Si un charismatique héros de série Netflix parlait comme dans l’Ariège, les recruteurs n’auraient plus de raison de ne pas recruter ce petit jeune venu du Sud, monté à Paris avec son accent et tous ses rêves.
Ph83h
le
Le Doyen Marty, doyen de la Fac de droit de Toulouse roulait les r avec l'accent aveyronnais. C'était un honneur de l'entendre.
William H.
le
Oui enfin trop c'est trop.
Un peu d'accent ça va. Sinon c'est vite vulgaire et gênant pour tout le monde et quoi qu'en dise l'article, ça enlève beaucoup de crédibilité.
Dany L
le
Allons, comme s'il s'agissait dans ce projet de loi de protéger les gens qui parlent avec un accent régional français....