A Evry, le procès des 5 000 voitures-épaves potentiellement dangereuses

 En enquêtant sur de simples vols de voitures, les gendarmes ont mis au jour une tentaculaire escroquerie impliquant des garagistes et des experts automobiles peu scrupuleux qui remettaient sur nos routes des véhicules potentiellement dangereux.
En enquêtant sur de simples vols de voitures, les gendarmes ont mis au jour une tentaculaire escroquerie impliquant des garagistes et des experts automobiles peu scrupuleux qui remettaient sur nos routes des véhicules potentiellement dangereux. (DR.)

    C'est un procès hors-norme qui doit s'ouvrir ce mardi au tribunal correctionnel d'Evry : une escroquerie aux expertises portant sur plus de 5 000 voitures d'occasion gravement accidentées et potentiellement dangereuses, mais remises en circulation frauduleusement.

    L'enquête a démarré par une plainte auprès de la gendarmerie de l'Essonne, mais les véhicules se sont écoulés un peu partout en France. Et seulement une trentaine des propriétaires de ces voitures épaves seront présents à l'audience. «C'est pour cela que le procès devrait être renvoyé, pour permettre à toutes les victimes de se porter partie civile », témoigne un magistrat.

    Un retour à l'instruction qui n'arrange pas les affaires des victimes. «Ma cliente a besoin de son véhicule pour travailler, mais il est immobilisé depuis septembre, soupire une avocate de partie civile. Elle n'a pas été indemnisée et elle doit s'organiser chaque jour pour ses déplacements. »

    Le procédé des experts et des garagistes soupçonnés de cette fraude était simple : lorsque les voitures sont gravement accidentées et que les réparations nécessaires à sa remise en état sont supérieures au prix de vente de la voiture, l'assuré est remboursé du prix de son véhicule qui est, lui, bloqué. Ces épaves sont ensuite revendues à très bas prix aux garagistes. Ces derniers doivent effectuer des réparations avec du matériel neuf et un expert doit passer pour vérifier que tout est conforme avant de remettre la voiture en vente, mais avec une mention spécifiant que le véhicule a subi des dommages.

    Là, les experts présumés véreux et dont la réputation se transmettait entre garagistes peu scrupuleux, ne passaient pas forcément vérifier que les véhicules étaient remis en état. Ils percevaient des dessous-de-table en contrepartie. «Jusqu'à 1 000€ au lieu de 200 ou 300 €, sans même se déplacer par exemple », témoigne une source proche de l'enquête.

    Les garagistes, eux, récupéraient des pièces volées ou d'occasion, des airbags, ou tout un système de direction, au lieu d'acheter chez les constructeurs ces éléments à remplacer sur les épaves. Enfin, les voitures n'étaient pas forcément vendues avec la mention de leur accident préalable.

    «Des garagistes récupéraient des voitures accidentées valant 30 000 € pour seulement 4 000 € car elles étaient considérées comme des épaves, et avec 3 000€ de réparation, elles étaient remises en vente à un prix avoisinant sa valeur d'origine », souligne un avocat de partie civile. «Il n'y a pas forcément rupture de sécurité, avance pour sa part Me Yassine Yakouti qui défend un garagiste mis en cause dans ce dossier. Au-delà de mon client, il faut nettoyer les écuries d'Augias de ce milieu-là. »

    Dans son viseur, les experts censés être impartiaux mais travaillant avec les assurances. Deux associations représentant les experts en automobile se sont aussi portées partie civile. Du côté des mis en cause, de nombreux garages ont déposé le bilan après le début de l'enquête commencée durant l'hiver 2014-2015.