Alain Delon et le Festival de Cannes, des décennies de relations tumultueuses

L’acteur de 83 ans recevra le 19 mai une Palme d’honneur. Une récompense tardive et surprise pour un comédien dont les relations avec le festival ont connu des hauts et des bas.

 Les patrons du festival avaient envisagé que le visage de l’acteur, ici en mars 2018 à Milan (Italie), orne l’affiche de cette 72e édition.
Les patrons du festival avaient envisagé que le visage de l’acteur, ici en mars 2018 à Milan (Italie), orne l’affiche de cette 72e édition. SIPA/Nicola Marfisi

    À chaque venue à Cannes, sa polémique… Ou presque. Le 19 mai, Alain Delon recevra une Palme d'honneur, comme son camarade Jean-Paul Belmondo il y a huit ans. Et avant même le début du festival, cette première récompense cannoise pour l'acteur de 83 ans a déjà suscité les critiques de l'organisation américaine Women and Hollywood. Rappelant les propos tenus par Delon sur les femmes, le mariage homosexuel et les immigrés, celle-ci a même lancé une pétition pour que l'organisation du festival fasse machine arrière.

    Même si le texte avait recueilli ce lundi quelque 15 000 signatures, il y a peu de chances pour que la Croisette renonce à son hommage à Delon. D'autant que les patrons du festival avaient envisagé que le visage de l'acteur orne l'affiche de cette 72e édition. Et si c'est finalement Agnès Varda, décédée le 29 mars dernier, qui a été choisie pour être l'emblème de cette version 2019, le Samouraï aura bien droit à son poster sur le Palais des festivals, tirée d'une scène du film « Plein soleil ».

    Cette énième controverse vient en tout cas couronner des décennies de relations tumultueuses entre l'acteur et le festival cannois. Celles-ci avaient commencé sous de joyeux auspices : en 1957, Delon, alors âgé de 22 ans et déterminé à percer dans le cinéma, s'était offert une virée sur la Croisette avec son ami Jean-Claude Brialy. Son physique ravageur n'était pas passé inaperçu et le jeune homme s'était fait repérer par le milieu.

    Cinq ans plus tard, en 1962, Delon était venu à Cannes au bras de sa fiancée Romy Schneider pour présenter « l'Éclipse » de Michelangelo Antonioni, qui avait obtenu le prix spécial du jury… Un an avant que « le Guépard » de Luchino Visconti, dans lequel il incarne l'inoubliable Tancrède, ne reçoive la Palme d'or.

    Arrivée spectaculaire en hélicoptère

    C'est ensuite que les relations se sont gâtées : en 1976, Alain Delon repart bredouille du festival, où « Monsieur Klein » de Joseph Losey a été accueilli très froidement… Et en 1984, le torchon brûle quand « Notre histoire » de Bertrand Blier, dans lequel Delon donne la réplique à Nathalie Baye, n'est pas sélectionné.

    Dans France Soir, Delon clame alors : « C'est un préjudice pour la France ! » Il « accuse » les pouvoirs publics et le ministre de la Culture, Jack Lang. Et l'acteur de qualifier, au passage, le comité de sélection cannois de «quatre ringards, dont trois critiques»… Jusqu'en 1990, le tapis rouge devra alors se passer des souliers de Delon. Jusqu'à la présentation de «Nouvelle Vague» de Jean-Luc Godard, pour laquelle le comédien fait une arrivée spectaculaire en hélicoptère, puis en bateau, avant de faire le «V» de la victoire devant une foule déchaînée.

    Deux ans après, Alain Delon retrouve le festival avec «le Retour de Casanova», avant une nouvelle brouille en 1997 : furieux de ne pas avoir été invité au 50e anniversaire du festival, la star boude la Croisette.

    En 2006, il déclare même qu'il ne montera «plus jamais les marches». En 2007 pourtant, Delon fait son retour à Cannes pour les 60 ans du festival. Depuis, il y est revenu en 2013 pour présenter la copie restaurée de «Plein soleil» de René Clément. «Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis!» avait-il commenté. Alain Delon en donnera une nouvelle preuve cette semaine.