« City on Fire » sur Apple TV + : New York dans tous ses états

Tirée de l’épais et foisonnant best-seller de Garth Risk Hallberg, cette série en huit épisodes mise en ligne ce vendredi ne réussit pas totalement sa transposition, mais sauve l’essentiel en consacrant New York au titre de personnage principal de l’intrigue.

Wyatt Oleff (Charlie) et Chase Sui Wonders (Sam) dans «City on Fire» une série américaine signée John Schwartz et Stephanie Savage qui se déroule dans un New York sous haute tension débarque sur Apple TV+. Apple TV+/Zach Dilgard
Wyatt Oleff (Charlie) et Chase Sui Wonders (Sam) dans «City on Fire» une série américaine signée John Schwartz et Stephanie Savage qui se déroule dans un New York sous haute tension débarque sur Apple TV+. Apple TV+/Zach Dilgard

    On avait adoré, en 2016, « City on Fire », pavé de 1000 pages paru chez Plon et signé Garth Risk Hallberg, alors très attendu car il avait à l’époque donné lieu à beaucoup de bruit médiatique : c’était le premier roman le plus cher de l’histoire, l’éditeur américain Knopf ayant acquis le manuscrit pour 2 millions de dollars. On se gardera bien d’en détailler l’intrigue, tant elle est foisonnante.

    Pour faire court, le récit débute en 1977 à New York, quand une jeune fille, Sam, est abattue et laissée pour morte dans la neige de Central Park. Le policier et un journaliste qui mènent l’enquête découvrent qu’elle se trouve au cœur d’un improbable imbroglio. Étudiante en arts, elle avait rendez-vous ce soir-là avec deux hommes : Charlie, son timide ami très amoureux d’elle à qui elle fait découvrir la vie, et son mystérieux amant issu d’une riche famille locale.

    Mais la vie de Sam s’avérait encore plus complexe : frayant avec un groupe punk nihiliste, elle avait assisté à un événement qui lui avait fait prendre ses distances avec les musiciens, dont l’un était aussi son petit ami. Or William, l’ex-leader charismatique du groupe, par ailleurs peintre moderne en pleine ascension et mêlé à l’affaire, est le frère de Regan, la riche épouse de l’amant-mystère de Sam. Tous ces personnages, et bien d’autres, vont se retrouver plongés dans un complexe écheveau impliquant la justice, des enjeux économiques et immobiliers pour la ville, les arts graphiques, la police, le rock, des attentats à la bombe, un héritage en mauvaise voie, le grand black-out de New York en 1977…

    Une large place à la musique rock et punk

    Avec son épaisseur conséquente, la richesse de cette intrigue et le nombre ahurissant de personnages qui y sont impliqués, « City on Fire » faisait figure de candidat idéal pour le développement d’une série, sans avoir besoin de rajouter grand-chose au récit. La voilà qui arrive ce vendredi sur Apple TV +, en huit épisodes de presque une heure. Alors, que reste-t-il du roman à l’arrivée ? L’essentiel : la ville de New York, tenant lieu de personnage central. On y voit sa diversité, son énergie dévastatrice, son romantisme et sa folie.

    Autre réussite : Garth Risk Hallberg avait émaillé son roman de procès-verbaux, lettres manuscrites et surtout des pages du fanzine écrit et dessiné par Sam, un petit magazine très graphique qui avait une importance prépondérante dans le récit. Celui-ci est reproduit en animation dans la série, une formidable idée, tout comme celle d’accorder une large place à la musique (rock et punk), comme dans le livre.

    Pour le reste, on est partagés. Coté positif, l’incroyable densité de cette chronique, son électricité en mode haute tension, son suspense font tout le sel de la série, qui se dévore. Pour ce qui est des personnages - celui du journaliste a été tout bonnement supprimé - et des comédiens, c’est moins évident. Les jeunes Chase Sui Wonders (Sam), Wyatt Oleff (Charlie) et Alexandra Doke (Sewer Girl, la groupie punk, personnage très important), collent parfaitement à ce que l’on imaginait en lisant les pages de Garth Risk Hallberg. Certains ne sont pas au niveau, en particulier Max Millner, qui rate complètement son interprétation du punk pyromane et manipulateur Nicky Chaos.

    D’autres brillent carrément, comme John Cameron Mitchell, sidérant en oncle dandy infect de William et Regan, ces derniers bénéficiant, dans des registres très différents, des compositions remarquables de Nico Torterella et Jemina Kirke, tandis que Omid Abtahi campe à merveille l’inspecteur de police infirme Ali Parsa.

    Mais la vraie déception, qui risque de choquer les nombreux fans du roman, provient de la transposition incompréhensible du récit de 1977 à 2003. Certes, ce sont deux années où un black-out, passage essentiel de l’intrigue, a frappé New York. Mais celui de 1977, très détaillé par l’auteur, fut bien plus long et violent. Surtout, si l’importance d’un groupe punk dans le déroulé de cette folle histoire se justifie parfaitement en 1977, elle n’a aucun sens en 2003. Mais ce gros écueil ne nuit heureusement pas trop à l’ensemble, dont la tension devrait séduire et tenir en haleine a minima ceux qui n’ont pas lu le roman et, au-delà, tous ceux qui portent New York dans leur cœur…

    La note de la rédaction :
    3.5/5
    « City on Fire », série américaine de John Schwartz et Stephanie Savage (2023), avec Chase Sui Wonders, Wyatt Oleff, Alexandra Doke, Nico Torterella, Jemina Kirke, John Cameron Mitchell, Omid Abtahi... 8 épisodes de 50 à 60 minutes.