Pierre Palmade : «Je fais tout pour arrêter cette saloperie de cocaïne»

Dans une interview confession, Pierre Palmade, dont l’autobiographie sort jeudi, raconte ses addictions qui l’ont conduit au cœur d’un fait divers il y a quelques jours.

 Pierre Palmade s’est confié avec sincérité.
Pierre Palmade s’est confié avec sincérité. Agence Bestimage/Eddy Briere

    Il se raconte, sans faux-semblant, avec lucidité. Dans « Dites à mon père que je suis célèbre», en librairie le 2 mai, Pierre Palmade dit tout. Son arrivée à Paris, sa naïveté et son culot, la célébrité qui le happe « trop tôt » à 20 ans, son père mort quand il en a 8, mais qu'il pleurera bien plus tard, ses rencontres artistiques, « magiques », avec Sylvie Joly, Jacqueline Maillan, Muriel Robin ou Michèle Laroque. Ses succès. Et puis ses excès.

    Un livre écrit sous l'œil d'Eric Libiot et dans lequel il aborde ses « lumières » mais aussi ses « ombres », les deux faces d'un même personnage, Docteur Pierre et Mister Palmade. Sa part d'ombre s'exprime la nuit, trop souvent sous alcool et cocaïne. Depuis trop longtemps. Trente ans. Libérateur, ce cocktail qui lui a permis de vivre son homosexualité s'est très vite mué en piège.

    Cocaïne, alcool, sexe, le « tiercé perdant », écrit-il, qui le détruit peu à peu, gâche amours et amitiés, le met en danger aussi. Comme mi-avril quand un type ramené un soir casse tout chez lui et l'accuse, à l'arrivée de la police, de l'avoir drogué et violé. Une affabulation. Abstinent depuis plusieurs mois, il venait de rechuter. Palmade nous reçoit chez lui, dans son appartement près de République, à Paris, et s'ouvre avec une grande sincérité.

    Pourquoi ce livre ? Pourquoi maintenant ?

    PIERRE PALMADE. À 50 ans, j'ai le désir de vivre en paix, dans mon métier comme dans ma vie privée, de tourner la page d'une certaine vie intense, trop intense, trop violente avec des problèmes d'alcool et de drogue que je suis en train de régler. Ça valait le coup de faire le point sur ces 30 ans de vie parisienne.

    Qui commencent à votre arrivée dans la capitale, vous avez 20 ans…

    J'arrive de Bordeaux, sûr d'être fait pour ce métier qui va me kidnapper et me rendre célèbre. Tout de suite. Je suis aussi un jeune mec encombré par son homosexualité. Mon éducation m'avait programmé pour être hétéro. On ne m'avait rien dit, je n'étais pas préparé et j'en ai ressenti une haine de moi. Alors, j'ai voulu me faire croire que j'étais hétéro, je suis tombé plus tard dans les yeux et le cœur de Véronique Sanson, et d'autres femmes… J'avais besoin de l'illusion d'être hétéro.

    Vous dites que la drogue vous a permis de vivre votre homosexualité…

    Oui. À jeun je voulais être hétéro à tout prix. Avec l'alcool et la drogue, j'ai eu la liberté d'être homo, je ne me jugeais plus, m'éclatais. Humoriste bien propre sur lui la journée, la nuit je courais les boîtes gays sans me rendre compte que je devenais dépendant à la cocaïne. J'ai cru que c'était un médicament, alors que c'était un poison. Je veux en parler comme d'une maladie, pas d'une désinvolture. Quand on est dépendant à la cocaïne, on est piégé, comme avec l'alcool ou le sexe… J'étais dépendant aux trois, ça a gâché ma vie privée.

    Ce livre, c'est une façon de prendre l'engagement public d'arrêter ?

    Non, c'est un récit de vie. S'il peut alerter les gens sur cette drogue sournoise, tant mieux, mais c'est le témoignage de quelqu'un en rétablissement. Quand on décide d'arrêter, il faut le faire pour soi, pas pour les autres. Si j'ai été en cure de désintoxication l'an dernier, c'est pour moi… Mais quand on est alcoolique et toxicomane, le risque de rechute existe. Comme il y a quinze jours.

    Une rechute qui vous a mené en garde à vue...

    Oui. Après des mois d'abstinence, il y a eu ce mauvais soir. La solitude, l'ennui… On ne sait jamais pourquoi on rechute. Je fais la tournée des bars gays pour trouver un partenaire. Je rencontre quelqu'un d'accord pour rentrer avec moi. On boit, on prend de la cocaïne, on couche ensemble de manière très amusante. Puis on commence à s'embrouiller, à se parler mal. Il ne veut pas partir, veut me revoir, je n'en ai pas envie. Il menace de me détruire en disant que je l'ai drogué et violé. Je ricane. Qui va croire ça ? Ça le rend fou, il se met à tout casser chez moi.

    Et vous appelez les policiers

    J'y suis obligé. Quand ils arrivent, le mec m'accuse de l'avoir drogué et violé. Ils n'y croient pas, mais nous mettent tous les deux en garde à vue pour vérifier. Avant même d'être au commissariat, la presse titrait : « Palmade en garde à vue accusé de viol ». Deux heures plus tard, le mec a craqué et avoué qu'il avait menti…

    Aujourd'hui, vous en êtes où ?

    Ça m'a traumatisé… Me retrouver dans une histoire comme ça… Moi qui commence à croire aux signes, là, ça me dit : si tu replonges, on ne peut plus rien pour toi. Mais une rechute, ça vous tombe dessus comme si vous étiez possédé… Je crois que j'en veux davantage à la coke qu'au type, c'est elle qui nous a mis dans cet état-là. Elle me gâche la vie depuis l'âge de 20 ans.

    Vous en avez pris conscience quand ?

    À 40 ans. J'ai compris que je n'étais plus un épicurien mais un alcoolique cocaïnomane. Depuis un an je prends véritablement les choses en main et fais tout pour arrêter cette saloperie de cocaïne. La toxicomanie est une maladie, illégale en plus, c'est difficile d'en parler. Je le fais là, ensuite je redeviendrai discret, je veux qu'on parle de moi comme artiste, pas seulement comme mec à problèmes…

    Quels sont les projets de l'artiste justement ?

    La « Troupe à Palmade » qui se reforme chaque dernier dimanche du mois au Théâtre de l'œuvre, autour d'un invité d'honneur, Muriel Robin, Pierre Richard puis Isabelle Nanty. On jouera des petites saynètes, ce sera très fin, à l'anglaise. Je joue avec eux. Je vais aussi essayer d'écrire cet été, une pièce ou un film, je ne sais pas, et je prépare la suite du « Grand Restaurant », pour France 2, (NDLR : émission spéciale avec de nombreux invités dont la première avait été un succès). Ça va se tourner en septembre. Mais pour l'instant c'est ce livre qui compte. J'avais besoin de parler de ma dépendance à la drogue. Pour encore mieux me convaincre que c'est une maladie que je combats.

    Mais pas de one man show ?

    Mon dernier spectacle « Aimez-moi » était très intime, je n'ai plus rien à dire d'intime, surtout après ce livre. Là, je suis tout nu. J'ai un peu froid même… Aujourd'hui j'ai plus envie d'être comédien que de combattre de façon hystérique dans l'arène de l'humour. Partager la scène avec Catherine Hiegel dans « Le Lien » de Bégaudeau, que nous allons jouer en tournée, a éveillé mon désir de classique, on veut monter un Marivaux ensemble. Moi qui ne jurais que par le théâtre de boulevard et l'humour, j'ai envie d'écrire des pièces peut-être plus graves et d'aller voir ailleurs. Le cinéma, pourquoi pas? Je n'ai pas de grandes ambitions, j'adorerais être discrètement un joli second rôle qu'on appelle pour être le beau-frère ou le meilleur ami…

    Catherine Hiegel et  Pierre Palmade vont partir en tournée avec la pièce «Le Lien». Ils y jouent une mère et son fils./LP/ Frédéric Dugit
    Catherine Hiegel et Pierre Palmade vont partir en tournée avec la pièce «Le Lien». Ils y jouent une mère et son fils./LP/ Frédéric Dugit Agence Bestimage/Eddy Briere

    Vous évoquez votre mégalomanie dans le livre, elle semble apaisée ?

    Je serais malheureux si on me privait de toute ma notoriété, mais oui, ma mégalomanie, cette hystérie d'être célèbre et de faire parler de soi, a disparu avec le temps… Je l'ai adoré cette célébrité, mais ça n'aide pas pour la vie privée. Peut-être que mon amoureux, je le rencontrerai à l'étranger. Ça fait partie de la nouvelle vie que je veux avoir, voyager. À une époque, je ne pouvais pas aller dans un pays où je n'étais pas connu, j'avais l'impression de ne pas exister si on ne me reconnaissait pas. C'était fou.

    Vous parlez d'amoureux… Vous écrivez aussi aspirer désormais à une vie paisible et à vous mettre en couple…

    Quand on arrête l'alcool et la drogue, l'amour s'impose à vous comme espoir. J'observe les couples et je les envie. Suis-je prêt à faire les concessions nécessaires ou dans le simple fantasme du couple, je ne sais pas, mais je n'en peux plus de passer d'un garçon à un autre… J'ai la maison de campagne, les chats… Ne me manque plus que le compagnon. Ce n'est pas une obsession, mais je crois m'être habitué à la solitude alors que ce n'est pas normal d'être seul à ce point-là.

    Il y a des signes avant-coureurs d'une rechute ?

    L'ennui, la solitude, l'impatience, le célibat… Il faut appeler son parrain quand on la sent venir. Des amis m'ont dit : appelle-nous quand ça ne va pas ! Je ne les ai pas assez entendus, je ne sais pas trop demander de l'aide. Je vais le faire maintenant. Parce que je sais que je n'y arriverai pas tout seul.

    Vous vous aimez aujourd'hui ?

    Ça va un peu mieux… Mais si je veux le bonheur auquel j'aspire, il va falloir que je m'aime un petit peu plus encore.

    * «Dites à mon père que je suis célèbre», 202 pages, Éditions Harper Collins. 19 €. Parution le 2 mai 2019.