1,9 milliard d’euro de fraude : le scandale Wirecard secoue l’Allemagne

L’entreprise de services financiers a présenté dans ses bilans une somme qui n’existe probablement pas.

 L’ancien PDG Markus Braun et d’autres dirigeants du groupe sont visés par une enquête pénale du parquet de Munich.
L’ancien PDG Markus Braun et d’autres dirigeants du groupe sont visés par une enquête pénale du parquet de Munich. Reuters/Michael Dalder

    Il pourrait s'agir de la plus grande fraude financière récente. L'entreprise allemande Wirecard a admis lundi qu'une somme de 1,9 milliard d'euros, bien qu'inscrite à son bilan, n'existait « très probablement » pas.

    S'ajoutant aux affaires du Dieselgate chez Volkswagen ou de malversations chez Deutsche Bank, la chute de ce prestataire de services financiers sur le segment en plein boom des paiements électroniques - concurrent d'entreprises comme le français Worldline, le néerlandais Adyen ou l'américain Square - jette une ombre sur la réputation de sérieux et de solidité économique de l'Allemagne.

    Cette affaire est « un désastre complet », s'est exclamé lundi Felix Hufeld, président du gendarme financier du secteur, la BaFin. Il a aussi reconnu que son autorité n'avait « pas su empêcher » une situation « jamais vue » au sein de l'indice vedette de la Bourse de Francfort, le Dax, dont Wirecard fait partie.

    L'action de la société s'écroule en Bourse

    Dans la nuit de dimanche à lundi, la firme bavaroise a admis qu'une somme de 1,9 milliard d'euros inscrite à son bilan « n'existe très probablement pas », nourrissant les soupçons de fraude de grande envergure.

    Pour cette raison, les auditeurs du groupe ont refusé de certifier les comptes 2019 de la société, dans cette affaire à multiples rebondissements qui a déjà conduit à la démission du patron de l'entreprise et à l'effondrement du cours de l'action Wirecard.

    A la Bourse de Francfort, le titre cédait lundi 42 % à 14,99 euros, contre près de 100 euros mercredi, la veille de la révélation de doutes sur la sincérité des comptes, confirmés désormais.

    Cette affaire a des ramifications aux Philippines : c'est là que le 1,9 milliard de fonds était censé se trouver sur des comptes appartenant à des prestataires, en l'occurrence des banques. Une somme qui représente un quart du total de bilan de Wirecard, qui garantit des règlements de transactions effectuées en ligne par des entreprises.

    L'avocat qui gérait les comptes aux Philippines introuvable

    Les banques des Philippines censées abriter les fonds ont affirmé n'avoir aucun lien avec Wirecard et la banque centrale du pays, qui a ouvert une enquête, a assuré que « les fonds manquants ne sont pas entrés dans le système financier ». Pour aggraver le tout, l'avocat censé superviser aux Philippines la gestion des comptes pour Wirecard est introuvable.

    Wirecard « part du principe » que la description des activités réalisées à travers ces comptes tiers « n'est pas exacte » et « continue de vérifier si ces opérations ont réellement été menées ». En clair : la direction soupçonne des fonds fictifs et une gigantesque fraude.

    L'agence de notation Moody's a indiqué lundi avoir retiré Wirecard de sa surveillance et l'avenir de cette dernière reste suspendu au soutien des banques, qui pourraient fermer le robinet du crédit. L'entreprise a non seulement reporté sine die la publication de ses résultats 2019, mais elle « ne peut pas exclure une révision des comptes des années précédentes ».

    Longtemps perçue comme une « success story » de la finance allemand e, forte aujourd'hui de 6000 salariés et 26 succursales dans le monde, Wirecard se retrouve empêtrée dans une spirale qui rappelle le sort du groupe d'énergie américain Enron au début des années 2000. Le groupe texan, qui gonflait artificiellement ses profits, masquait ses pertes et falsifiait ses comptes pour améliorer sa valeur boursière, avait fini par faire faillite.

    Une enquête pénale ouverte

    Wirecard est au départ une startup allemande créée en 1999, ayant au départ servi d'intermédiaire dans des paiements électroniques réalisés pour l'industrie du porno et des jeux en ligne. Désormais, c'est une avalanche de problèmes judiciaires qui se profile pour elle.

    L'ancien patron de l'entreprise Markus Braun et d'autres membres du directoire sont notamment visés par une enquête pénale lancée par le parquet de Munich pour des soupçons de manipulation de cours, à la suite d'une plainte déposée par la BaFin.

    Ils auraient cherché à travers plusieurs communiqués en mars et avril à embellir une expertise comptable à venir du cabinet KPMG. Ces dirigeants risquent désormais des peines de prison, souligne le Süddeutsche Zeitung.