Quand les entreprises développent le télétravail… au bureau

Des grands groupes louent pour leurs salariés des espaces dans des centres délocalisés, proches de chez eux, pour réduire notamment les temps de trajet.

 Comme à Massy (Essonne), de nouveaux lieux permettent à des salariés de travailler plus près de chez eux.
Comme à Massy (Essonne), de nouveaux lieux permettent à des salariés de travailler plus près de chez eux. Neo-nomade/Le Trente.

    C'est une petite révolution culturelle qui balbutie dans le monde de l'entreprise. Ces dernières années, certaines grandes sociétés, notamment dans le monde de la banque et de l'assurance, proposent à leurs salariés de travailler à distance dans des bureaux et espaces de coworking situés plus près de chez eux ou dont la localisation est plus pratique par rapport à leurs déplacements. Du télétravail au bureau, en quelque sorte. Le coût de l'opération s'élève, selon les régions et le coût de l'immobilier, à 150 à 500 € par salarié par mois.

    « Se déplacer, c'est parfois du stress, du temps perdu, de la pollution. Pour l'entreprise, cela représente un coût mais certaines, pionnières, tentent de faire des équations immobilières à long terme pour proposer à leurs salariés de télétravailler en dehors de leur domicile, un peu comme elles leur proposeraient des tickets-restaurants », explique Baptiste Broughton, cofondateur de la plateforme d'espaces partagés Néo-nomade.

    Parfois, l'expérience tourne court

    Generali s'est lancé dans l'aventure avec succès il y a deux ans et propose, en Ile-de-France comme en province, des bureaux partagés pour ses salariés qui souhaitent limiter leurs déplacements ou ses commerciaux qui passent leurs journées en voiture. Le Crédit agricole ou Capgemini ont aussi franchi le cap. Dans le public, des expériences sont aussi menées. Le conseil régional d'Ile-de-France, qui a rassemblé en 2017 à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) ses dix-sept sites franciliens et 1 450 agents propose aussi du télétravail dans des tiers lieux.

    Mais ça ne marche pas toujours. La caisse d'allocations familiale (CAF) des Yvelines a fait une tentative infructueuse l'année dernière pour alléger les trajets de ses salariés. « Nous avons proposé à nos agents deux espaces de coworking mais ils préféraient en réalité travailler à domicile. Ces espaces étaient peu fréquentés et cela n'était pas intéressant financièrement », explique Carole Billon, la directrice de la CAF des Yvelines qui tente désormais de se faire prêter des bureaux dans des entités publiques du département comme la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ou le conseil départemental.

    Une manière d'attirer les talents

    « Financièrement, il faut que l'entreprise s'y retrouve, note Baptiste Brougton. Il y a des stratégies immobilières à développer. De notre côté, on bataille pour faire comprendre aux directions qu'elles peuvent y gagner. À Saint-Denis, Generali a économisé 20 % de son loyer en rendant une partie de son siège social à son propriétaire étant donné que les salariés fréquentaient de moins en moins le site ».

    L'entreprise de demain sera-t-elle morcelée en fonction des déplacements et des envies de chacun? « Être absent quatre jours par semaine de son entreprise, ce n'est pas possible!, estime Pierre Bouchet, le cofondateur du Génie des lieux, société de conseil en aménagement d'espaces tertiaires. Cela pose un vrai problème en termes d'identité du collectif. Mais une journée ou deux, tout le monde peut y gagner. Il ne faut pas être dogmatique. C'est aussi une nouvelle manière pour l'entreprise d'attirer ses salariés ».

    Des subventions pour ouvrir des lieux de travail partout en France

    Le gouvernement veut identifier lieux de travail potentiels dans 150 quartiers prioritaires. /LP/Florence Hubin
    Le gouvernement veut identifier lieux de travail potentiels dans 150 quartiers prioritaires. /LP/Florence Hubin Neo-nomade/Le Trente.

    Dynamiser la France rurale et les quartiers populaires : tel est l'objectif du gouvernement qui vient de lancer son « conseil national des tiers lieux » et va encourager la création de lieux d'accueil de proximité pour les travailleurs, partout sur le territoire mais aussi pour les chômeurs de longue durée et les jeunes éloignés de l'emploi.

    Qu'ils s'appellent « Fablab », « Makerspace », « Livinglab », « espace de coworking » ou autres « tiers lieux », le gouvernement veut identifier 300 « fabriques de territoires » dans 150 quartiers prioritaires cette année afin de structurer une nouvelle filière. Pour chacune, des subventions entre 75 000 et 150 000€ sur trois ans seront débloquées.