Nord Stream : quel impact les fuites de gaz pourraient-elles avoir sur le climat et la biodiversité ?

Près de 200 000 tonnes de méthane pourraient se déverser dans l’atmosphère, échappées des gazoducs Nord Stream, touchés par des explosions lundi. Des quantités «gigantesques»… et minimes à la fois, si on les rapporte aux émissions habituelles dans le monde.

Bornholm, au large du Danemark, mardi 27 septembre. Une des fuites de gaz vue d'un F-16 danois, un avion militaire, qui survole la zone. Reuters/Ritzau Scanpix
Bornholm, au large du Danemark, mardi 27 septembre. Une des fuites de gaz vue d'un F-16 danois, un avion militaire, qui survole la zone. Reuters/Ritzau Scanpix

    L’expression « y avoir de l’eau dans le gaz » annonce du grabuge mais quand il y a du gaz dans l’eau, est-ce grave ? L’armée danoise a constaté des fuites massives émanant des gazoducs Nordstream 1 et 2, et diffusé des images impressionnantes de bouillonnements de l’eau allant de 200 m à 1 km de diamètre, repérés à partir de mardi (la fuite datait visiblement de la veille) au large de l’île de Bornholm, entre le sud de la Suède et la Pologne. La navigation a été interdite dans un rayon de cinq milles nautiques (9 km) autour des trois fuites, ainsi que leur survol dans un rayon d’un kilomètre.

    « Les bulles d’air sont en fait essentiellement des bulles de méthane, décrypte Antoine Rostand, le patron de Kayrros, l’entreprise qui surveille les fuites de méthane avec des satellites. Il y aurait 300 millions de m3 de gaz dans les tuyaux, soit 200 000 tonnes de seul méthane. »

    Or, ce gaz qui sort de nos feux de cuisson et fait tourner nos chaudières est 84 fois plus réchauffant que le CO2 dans l’atmosphère sur 20 ans. On ignore encore combien de temps la fuite va durer ou si des systèmes de sécurité efficaces avec des vannes pour bloquer une partie du gaz contenu dans les tuyaux ont été actionnés. Mais si les 200 000 tonnes dans leur totalité venaient à être relarguées, ce serait un possible record.

    Et même… positif pour la mer Baltique ?

    Les outils de Kayrros rendent parfois visibles des panaches de quelques centaines de tonnes, fuites ou dégazage lors d’opérations de maintenance de l’industrie pétrolière mais jamais rien de cette importance. Fin 2015, une fuite avait fait grand bruit à Aliso Canyon en Californie, elle a été estimée à moitié moins (80 000 tonnes).



    « Le relâcher est gigantesque en lui-même, mais c’est l’équivalent d’une journée de ce qu’émet l’industrie pétrolière et gazière en moyenne » relativise Antoine Rostand. Autrement dit, cette fuite de gaz sans précédent ne va pas changer radicalement le climat.

    Et pour la vie marine ? Le Danemark se veut rassurant, les impacts devraient être « limités » : le méthane se dissout en partie dans l’eau, ce qui réduit sa toxicité. Jean-Pierre Gattuso chercheur au CNRS spécialiste de la vie marine, rappelle que certaines sources (volcans, failles) peuvent relâcher du méthane naturellement. « Dans ce cas, l’essentiel remonte à la surface. Quelques micro-organismes eux l’utilisent, il n’y a pas d’impact majeur. Sauf que cette fois, la quantité peut être beaucoup plus importante et tout dépend de l’écosystème… » Le fond de la Baltique est « anoxique », privé d’oxygène et très pauvre en vie. Ce pourrait être une chance…